6P Designs.Adapted by Rozam

   
 
  7. Cassage de gueule...
 







Chapitre VII               Cassage de gueule… mais laquelle ? 


_ « Bonjour mes beaux seigneurs ! Une table ? Mais bien sûr, veuillez me suivre je vous prie. »

_ « Vous suivre ? Mais jusqu’au bout du monde, belle dame… »


Tandis que Fersen se laissait guider par la femme du tavernier vers un coin tranquille de l’auberge, Oscar qui suivait derrière fit mine de se faire vomir avec deux doigts: « jusqu’au bout du monde, belle dame… »

Oh bon sang ! Pitié ! Et en plus, elle allait devoir subir cet écoeurant déballage de charme à trois sous durant tout le repas !

Car bientôt œillades et sourires se multiplièrent, la très décolletée jeune femme ne cessant d’ailleurs de se pencher outrageusement vers le Comte à chaque plat apporté.


_ « Bon ! Vous voulez que je vous laisse, peut-être ? » ne put s’empêcher d’exploser Oscar au bout d’un moment, le plat de résistance venant tout juste de susciter un étalage de poitrine propre à faire rougir une meute de puceaux obsédés. Sans cesser de manger la délicieuse volaille qu’ils avaient commandé, Fersen approuva.

_ « Mmm, ça c’est la meilleure idée que vous ayez eu de puis ce matin. C’est ça Jarjayes, bravo, laissez nous. Mais pourquoi, au fait ? »

_ « Jouez les innocents en plus ! Votre manège est révoltant !! »


Fersen regarda aimablement le verre de la jeune fille.

_ « Vous savez, vous devriez faire un peu attention avec le vin. Vous commencez à tenir des propos totalement incohérents et d’ici peu, j’ai bien peur que vous ne finissiez sous la table.»

En le regardant manger Oscar pria pour qu’un os assouvisse sa vengeance.

_ « Vous êtes vraiment … » hocha t-elle la tête, furieuse. Il ne valait mieux pas qu’elle continue, aucun mot n’aurait réussi à définir ce qu’elle ressentait. Elle poursuivit. « En tout cas vous allez cesser immédiatement ce petit jeu lamentable ! »

_ « Un jeu, maintenant ? L’ivresse est proche, prenez garde… »

_ « Arrêtez ça, Fersen ! » s’écria la jeune fille, mais assez bas pour ne pas attirer l’attention. « Et arrêter aussi de vous vautrer dans le décolletée de cette femme à chaque fois qu’elle vous passe le sel !! »

Fersen cessa un instant de mastiquer et leva un sourcil interrogateur.

_ « Dites donc mon garçon, vous ne seriez pas un peu jaloux par hasard ? »


Prise de court, Oscar se sentit rougir sans qu’elle puisse rien empêcher.

_ « Jaloux ? Et pourquoi donc je vous prie ? »
Il reprit une bouchée, son insupportable demi-sourire revenu.
_ « Votre colère vous trahie, mon cher. Oh oui vous êtes jaloux, jaloux de ne pas avoir attiré l’attention de cette très jolie jeune femme, voilà la vérité ! »
_ « Très jolie jeune femme ? » s’étouffa Oscar, sans vraiment savoir pourquoi tout cela l’énervait autant. « Cette grosse chose qui vient étaler ses seins dans nos assiettes ? A tel point que tout à l’heure j’hésitais entre planter ma fourchette dans le rôti ou cette masse gigotante ! »
Le jeune homme secoua la tête.
_ « Jarjayes, vous êtes désespérant. Aucune distinction chez vous…croyez-vous vraiment que l’on parle des femmes de cette façon ? »
_ « Ah oui, j’oubliais… » ricana Oscar, «…vos yeux où se reflète votre âme charmante ! » C’est bien ce que vous disiez à cette soubrette tout à l’heure, non ? Et donc, là vous allez encore me dire qu’à travers la poitrine de cette femme c’est son intelligence qui vous fascine, évidemment ! »

Elle le vit lever les yeux au Ciel, ne daignant pas répondre mais affichant la patience affligée d’un maître face à un cancre récalcitrant.
_ « Désespérant…tout simplement désespérant… » soupira t-il malgré tout.
 

Oscar hésita une seconde à lui balancer à la tête ce qu’elle avait devant elle, mais se ravisa en songeant que se battre à coup de pilons de volaille n’était tout de même pas digne d’un Capitaine de la Garde.
Elle revint néanmoins à l’attaque.

_ « Quoiqu’il en soit Fersen, vous allez arrêter vos minauderies avec cette femme avant que nous nous fassions remarquer ! Au cas où vous ne l’auriez pas vu, le patron nous regarde d’une drôle de manière depuis une minute, et je n’ai pas du tout envie que tout cela finisse en esclandre ! De Broglie nous a recommandé la plus grande prudence, et surtout de la discrétion ; alors faites un effort pour vous souvenir de la mission que nous avons l’honneur d’accomplir. Nous sommes au service de Sa Majesté et j…mais bon sang Fersen, vous m’écoutez ?! »


Ses yeux agrandis de rage découvrirent en effet force nouveaux sourires adressés par-dessus son épaule, la jeune fille de se rendre évidemment compte qu’il ne cessait en rien ses petites manigances séductrices au mépris de ses propos. Outrée, elle allait lui servir quelques jurons bien sentis quand il reporta sur elle la clarté de son regard.

_ « Mmm, vous disiez Jarjayes? Ah oui : très émouvant discours, vraiment » dit-il, aimable. « Croyez sincèrement que je suis au bord des larmes mais…vous devriez faire attention, vous avez un petit morceau de persil là, coincé dans la dent… »


C’en était trop ! Elle allait enchaîner pour lui dire vertement toute la sympathie qu’il lui inspirait quand elle remarqua la parfaite illustration de ses mises en garde : le patron, un gros bonhomme bâti comme un jambon de pays, s’avança résolument vers eux et se planta devant leur table. Devant Fersen plutôt, ce dernier ne marquant pas le moindre signe d’inquiétude puisque continua à manger le plus tranquillement du monde, sans même lever la tête.
_ « Dis donc toi, t’as fini d’embêter ma femme ? »
Un fin sourire se dessina sur les lèvres d’Oscar. Elle se cala confortablement dans sa chaise et croisa les bras, très intéressée par le spectacle qui s’amorçait. Après tout, peu importe de Broglie et ses recommandations : au diable la discrétion, la vision de Fersen se faisant casser la figure valait largement son pesant d’or !
_ « Mais de quoi parlez-vous, mon ami ? » demanda le jeune homme, sans se départir de son élégante nonchalance.
Un peu désarçonné par tant d’amabilité, le tenancier de l’établissement poursuivit, têtu.
 
_ « Joue pas au plus fin avec moi, hein ? Si tu crois que j’ai pas vu tes simagrées ! Alors t’arrêtes ça tout de suite ou sinon… »
Le sourire d’Oscar s’accentua : très, très bien tout ça. Bon début.
_ « Ou sinon vous allez m’apprendre les bonnes manières, j’imagine… » compléta très civilement Fersen. « Oui, je comprends. Tenez, c’est d’ailleurs une chose que vous avez en commun avec mon jeune ami ici présent. Lui aussi rêve de m’en remontrer dans ce domaine, figurez-vous. C’est même une idée fixe. Est-ce drôle, tout de même… »


L’aubergiste fronça les sourcils et regarda Oscar, l’esprit un peu embrouillé par cet air si désinvolte.
Celle-ci s’empressa de lui venir en aide.
_ « Ne faites pas attention à ce qu’il dit. Continuez, continuez : vous en étiez au moment où vous disiez qu’il embêtait votre femme… »
Fersen posa brièvement son couteau, pointa sa fourchette vers la jeune fille en un geste docte et inspiré.
_ « Non, là vous faites erreur comme d’habitude : ce brave Monsieur a déjà mentionné ce passage, et en était au moment où il allait me faire regretter mes mauvaises manières. Suivez un peu Jarjayes, c’est réellement fatiguant de tout vous expliquer. »
Le sourire d’Oscar disparut.
 
_ « Non mais vous allez arrêter avec vos sarcasmes ? »  gronda t-elle dangereusement. « J’en ai plus qu’assez de vos moqueries, de votre arrogance insupportable, de votre prétention ! »
 
Toujours très calme Fersen soupira de lassitude, regarda enfin l’aubergiste comme pour le prendre à témoin.

_ « Vous voyez ? Mon bon ami, j’ai bien peur que vous dussiez passer votre tour pour me donner votre leçon de savoir vivre, car ce garçon brûle de prendre votre place et me corriger en premier ! »
Oscar se dégagea de son dossier pour se redresser, pleine de colère de nouveau.
_ « Et pourquoi pas ? Vous voulez que je vous dise : nous vous trouvons totalement antipathique ce gros Monsieur et moi !  Alors si vous croyez que vous nous impressionnez et bien vous allez voir, nous allons vous montrer de quel bois nous nous chauffons ! N’est-ce pas mon brave ? »
_ « Hein… » grogna le tavernier, qui n’y comprenait plus rien du tout en se voyant interpellé, « …et puis qui est gros, d’abord ? »
_ « Fersen, je peux vous dire que je vais vous offrir une sacrée raclée oui, » poursuivait Oscar en ne quittant pas des yeux le séduisant visage, «  et je vais vous faire rentrer dans la gorge vos insultes de ce matin ! »
_ « Mais qui est gros ?!! » se buta le tavernier, complètement déboussolé.


Le ton montait et tous les trois se retrouvaient désormais au centre de l’attention générale, les convives très contents de voir les choses s’envenimer.
N’y tenant plus, Oscar se leva enfin d’un bond pour toiser son adversaire qui continuait d’afficher pour sa part un calme imperturbable.

_ « Debout Fersen ! » s’écria t-elle, « et battez-vous si vous êtes un homme !! »
_ « Non mais dis donc le blondinet ! » s’exclama à son tour le patron en tournant sa grosse silhouette vers Oscar, « t’as fini de m’embrouiller la tête ? Te mêles pas de ça ! Et puis qui est gros d’abord ! »
Folle de rage, la jeune fille l’engloutit de ses yeux d’océan déchaîné.
_ « Mais vous êtes agaçant à la fin ! Sitôt que j’en ai fini avec ce détestable personnage, je vais m’occuper de vous, vous allez voir ! Alors pour le moment, écartez vous de mon chemin ! » acheva t-elle en marchant sur lui pour atteindre Fersen.
Mais la grosse bedaine s’interposa solidement.
 
_ « Non mais oh ! Tu crois que tu m’fais peur espèce de demi-portion ? »
Fersen secoua la tête, apitoyé.
_ « Ouf…alors là mon brave, grave erreur : ce jeune homme est terriblement susceptible sur le sujet. »
En effet Oscar vit rouge et vint littéralement défier l’aubergiste, yeux dans les yeux.
_ « Demi-portion ?!! » hurla t-elle dans sa figure « Répétez ça pour voir, espèce de grosse barrique ? »
_ « Qu’est-ce que je vous disais… » confirma le jeune homme, finissant sa volaille.
_ « Alors toi le beau type, tu t’en mêles pas et tu la fermes !! » beugla le tavernier en saisissant Oscar par les revers de sa veste.
_ « Exactement Fersen ! V…vous la fermez !! » dit-elle en écho, un peu plus difficilement car le bougre serrait fort.
_ « Mais j’y pige rien, moi !!! Vous allez arrêter, oui ?!! » cria encore ce dernier, secouant la jeune fille tant et plus en ne sachant vraiment plus si elle était pour ou contre lui.
 

La suite lui donna une petite idée, quand même. En fait au moment précis où Oscar lui envoya un formidable coup de poing dans le ventre.
Là plus de doute à avoir sur l’identité de son adversaire.
Privé durant quelques secondes de toute respiration, le gros bonhomme secoua finalement la tête comme un taureau furieux, prit son élan puis fonça littéralement sur la jeune fille.
Le Comte quand à lui, reposait tranquillement couteau et fourchette pour s’essuyer fort aristocratiquement la bouche.
_ « Besoin d’aide, Jarjayes ? » dit-il enfin, finissant son verre. Un borborygme informe lui répondit :
_ « P…pas du tou…t ! ‘llez au di…able !!! »
_ « Ah, vous me rassurez… »
Il se leva tout aussi sereinement, épousseta son habit, avant de se diriger sans hâte vers ce qui était devenu une épouvantable foire d’empoigne: agrippés comme des forcenés l’un à l’autre par la gorge, le tavernier et Oscar pulvérisaient tout ce qui se trouvait sur leur passage, faisant voler verres, nourritures et chaises dans un fracas d’enfer.
Ajoutant à la débandade, les convives s’étaient levés et écartés et encourageaient le patron par des « casse-lui la gueule » à n’en plus finir.

Fersen écarta quelques épaules et arriva juste à l’instant où les encouragements allaient se concrétiser, la grosse bedaine écrasant la jeune fille de tout son poids à même une table.
Le Comte se pencha, essayant de capter le fin visage cramoisie.

_ « Alors non, vraiment ? Besoin de rien ? Parce que si vous voulez…je pourrais fort bien… »
_ « Fichez-m…oi la ppp…a…i…x » éructa Oscar d’une voix inaudible.
_ « Ah bon… » approuva Fersen, compréhensif. « Comme vous voulez, évidemment. Non parce que si vous aviez voulu, j’aurais pu faire ça… »

Et dans le même mouvement il empoigna l’épaule de l’aubergiste à la broyer, le fit pivoter pour permettre à un poing dur comme l’acier de s’abattre sur sa figure, l’envoyant sauvagement atterrir sur la table et les victuailles voisines.
La salle entière fit silence, personne n’osant vraiment venir se coltiner à l’intimidante silhouette quand on vit le patron assommé parmi les bris d’assiettes, le nez en sang.
Le jeune homme voulut aider Oscar mais elle s’était déjà relevée, et repoussa violemment son bras.
Haussant des épaules résignées le Comte se dirigea vers la femme de l’aubergiste, sortit une petite bourse faisant largement quatre fois le prix de leur deux repas.


_ « Belle dame, ce fut un honneur que de manger dans ce lieu choisi, » dit-il galamment comme s’il ce fut adressé à une duchesse en titre. « et croyez sincèrement que nous sommes navrés de ce petit désagrément. » Puis adoucissant encore le velours de sa voix, l’œil charmeur : « Désagrément qui n’est dû qu’à votre troublante beauté Madame, soyez-en sûre. D’ailleurs, ces quelques éclats ne sont rien comparés à ceux de mon cœur de devoir vous quitter… »

Et dans un sourire irrésistiblement séduisant animant une légère fossette sur sa joue gauche, il se saisit d’une main potelée pour y déposer la caresse de ses lèvres, puis la bourse dans une paume tremblante face à tant de charme.
Se dirigeant vers la sortit en compagnie d’Oscar un peu plus assurée sur ses jambes, il se retourna une dernière fois vers la salle.

_ « Messieurs, au plaisir ! » salua t-il, grand seigneur.


Une petite fontaine proche de l’auberge accueillit Oscar sur ses rebords, la jeune fille passant rapidement quelques fraîcheurs sur son visage afin de lui redonner peu à peu une couleur normale.
Après une ou deux gorgées elle se remit sur pieds, son mécontentement intact.


En réalité, tout au fond d’elle-même, elle était particulièrement mortifiée de n’avoir pas su dominer la situation. Et avoir dû recourir à son aide, même à son corps défendant, lui était encore plus intolérable.
Elle ne put donc s’empêcher de lui opposer l’hostilité de ses yeux.

_  « Je peux savoir pourquoi vous êtes intervenu ? » lui demanda t-elle effrontément alors qu’il faisait boire les chevaux. Fersen laissa les bêtes se débrouiller seules et revint vers elle, estomaqué.
_ « Alors vous, vous êtes vraiment un cas ! Je viens de vous sauver littéralement la vie, et c’est ainsi que vous me prouvez votre reconnaissance ? »
_ « Me sauver la vie ?  Non mais vous ne croyez pas que vous vous surestimez, par hasard ! Je contrôlais parfaitement la situation, figurez-vous ! »
_  « Oh oui, c’est vrai » ironisa t-il , « le fait de vous faire défoncer votre jolie petite figure d’angelot prouvait en effet un parfait contrôle, pardon d’avoir oublié ce détail ! »
_ « Répétez ça Fersen ?!! » s’écria Oscar, rouge de colère, du moins le crut-elle. « Je peux savoir qui a une figure d’angelot ? »

Pour toute réponse le jeune homme serra les mâchoires et étouffa un juron.
_ « Jarjayes, vous êtes crispant… » mâcha t-il, semblant penser à un mot beaucoup moins aristocratique. « De toute façon cette conversation est close. Venez ! »
Et il tourna les talons pour se remettre en selle.
 
Oscar et sa fureur le suivirent, sans comprendre.
_ « Comment ça, « venez ! ». Venir où ! »

Il attendit qu’elle soit à cheval pour lui répondre.
_ « Vous savez Jarjayes, je vais vous causer le plus grand choc de votre vie : pour la première fois je crois que je suis d’accord avec vous. Plus vite nous en auront fini avec cette enquête, plus vite nous pourrons nous débarrasser mutuellement d’une présence tout à fait insupportable. Alors vous je ne sais pas, mais moi j’ai l’intention de me rendre immédiatement chez notre principal suspect. »

_ « Quoi…le Duc d’Orléans ? »
Fersen reprit son demi-sourire ironique.
_ « C’est bien Jarjayes, bel esprit de déduction quand vous le voulez… » ironisa t-il.
 
Oscar ne put maîtriser un mouvement de surprise, une légère inquiétude également.
_ « Non mais vous ne seriez pas un peu fou, » voulut-elle protester alors qu’il tournait déjà sa monture. « Allez voir le Duc en plein Palais-Royal ? C’est ça que vous appelez de la discrétion ? Aucun sympathisant de la Royauté n’ose s’aventurer là-bas! »
_ « Et alors, c’est bien vous qui vouliez faire bouger les choses, non ? Et bien elles vont bouger, faites moi confiance. »
Et il lança son cheval avant qu’elle ne puisse protester.
 

Elle essaya, néanmoins.

_ « Fersen ! » hurla t-elle, « mais qu’est-ce que vous entendez par faire bouger les choses ! Et..et puis je vous ordonne de vous arrêter ! Je vous l’ordonne entendez-vous ? C’est moi qui commande ! Moi !!! »







 
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