6P Designs.Adapted by Rozam

   
 
  12. Epilogue I
 




Chapitre XII. Epilogue (partie I)
 
 





Foutre Dieu !
Elle allait mourir et personne n’en saurait rien.
On continuerait de crier, de hurler, de piétiner comme des sauvages dans cette église et elle trépasserait dans l’indifférence générale, s’en serait fini soudain du Capitaine de Jarjayes comme d’une vulgaire mouche écrasée par les mains d’un bambin. Son mariage et son enterrement en l’espace de cinq minutes, il fallait le faire !
Elle allait le faire.
 
Si André ne bougeait pas dans les quelques prochaines secondes elle réussirait l’exploit de se faire tuer par une chemise, avec un peu de chance elle aurait même son portrait dans la galerie des horreurs, à côté de ses ancêtres à moustaches. Mais assassinée de la sorte, pour un militaire…Arrh elle ne se rendrait pas sans combattre : mourir peut-être mais au moins en pleine santé !
Elle s’agita comme une furie et battit l’air d’une main, commença à voir des éclairs douloureux sous ses paupières closes…
 
- Hoops…pardon Oscar.
 
André s’aperçut enfin de la situation : il l’écrasait de tout son poids, son poitrail broyant son visage après être tombé sur elle derrière l’autel.
Charmant, il la sauvait pour mieux l’étriper !! Il le faisait exprès.
Sous une pénible goulée d’air Oscar sentit aussitôt l’envie de s’énerver contre à peu près tout, sans raison particulière.
Ou plutôt si : en vérité le « non » prononcé tout à l’heure par le jeune homme changeait beaucoup de choses, des choses peu rassurantes ; la preuve, il restait au-dessus d’elle à la regarder en souriant ce qui était fondamentalement déloyal. Depuis quand les sauveurs de flèches vous contemplent de cette façon ? Où était-il écrit que sous ce sourire justement vous n’avez qu’une idée à peu près claire, vous réévanouir aussitôt ? Bon sang, mais tout cela était grotesque !! Parce que vouloir convoquer l’éternité, écrasée par ce poids dément contre la pierre et trouver cela agréable surtout, c’était une folie.
Bien ! Ça commençait à se décanter lentement: elle devenait folle.
 
 
Oscar regarda André, sonda les yeux clairs avec énormément de suspicion. Il savait toujours tout sur elle, mieux qu’elle-même, et elle ne comprenait jamais rien à lui. Pourquoi, mais pourquoi à la fin…Furieuse oui de ne pas savoir comment les choses dégénéraient de cette façon : pour la troisième fois il se retrouvait à la tenir étroitement de partout, après leur duel, puis la cuisine, l’église maintenant…Devait-elle se résoudre à la fatalité ? Comprendre que par une mystérieuse alchimie du destin le corps d’André devait désormais remplir la fonction d’édredon vivant ? Elle ne lui avait jamais connu cette vocation... Et à présent, voilà, à tout bout de champ il tombait sur elle, en simple chemise de préférence, l’incendiait d’un sourire au passage sans rien dire ce traître, ah mais non ce serait trop facile, il se contentait de rester ainsi, attentif et immobile; avec ce foutu discours dangereusement silencieux dans son beau regard, qui à elle lui donnait envie de hurler. Bon Dieu !!
 
- Viens Oscar, allons nous-en d’ici…
 
Comme cette phrase, totalement banale ; la jeune fille y décela quelque chose de particulièrement sournois : aucune voix, jamais, ne s’était faite aussi douce ni troublante pour lui offrir de sortir de quelque part. Elle n’était pas préparée. D’habitude on lui indiquait la porte, le perron ou un portail de caserne, on aboyait l’ensemble si on était avec des recrues ou ornait le tout d’un claquement de bottes avec des supérieurs, bref la chose se passait avec une fluidité certaine. Elle n’avait jamais prêté attention excessive à l’exercice. Mais avec lui…Sortir d’un endroit pour entrer dans un autre impliquait se retrouver seule en sa compagnie à un moment donné, face à cette évidence qui lacéra tout à coup la conscience d’Oscar comme on se prendrait une branche en pleine tronche : André était foutrement beau.
Totalement, effroyablement beau.
 
Et ça non plus, ce n’était pas acceptable. Bordel de Dieu c’était même absolument dégoûtant !
Parce qu’hier encore n’était-il pas le même ?
Cet exaspérant, cet insolent mangeur de pommes, moqueur, qui savait flamber les foies de volailles sans bouger un cil tout en lui servant des « fillettes » péremptoires. Le même, oui !
Oscar réfléchit.
Le même, exactement…mais en beau. En très.
Son hostilité monta d’un cran parce que quelque chose lui échappait ; il l’avait sauvé d’un mariage ridicule mais disait tenir à elle pas vraiment comme un compagnon d’armes. Encore moins une sœur. Un frère, n’en parlons pas. Il disait…qu’avait-il dit déjà, contre cet arbre ? Une petite onde de chaleur sur ses joues la conforta en une perte de mémoire soudaine et définitive. La situation devenait claire :
a/ André était beau mais quand il parlait contre un arbre ça devenait la catastrophe. 
b/ Quand il tombait aussi.
c/ Et qu’il souriait.
d et e/ Et qu’il portait une chemise, quand il n’en portait pas non plus.
Bien, ce n’était pas compliqué il allait falloir ruser : éviter désormais toutes situations où a/b/c/d et surtout e/ interviendraient, l’horreur absolue étant toutes les lettres en même temps. Très dangereux.
 
En l’aidant à la relever et donc, logiquement, à le frôler, le toucher et le respirer, Oscar rajouta d’office le restant de l’alphabet, sous l’obscur inconfort de diverses source de chaleur de nature inconnue. Elle n’y comprenait rien du tout. Et Oscar détestait ne rien comprendre du tout.
Un rai de lumière témoin de l’aube qui se levait illumina justement la chevelure d’André, et la laissa une nouvelle fois perplexe : à quoi pouvait-il ressembler les cheveux dénoués ? Etaient-ils soyeux ? Qu’est-ce que cela donnerait sur ses épaules nues ?
 
Et voilà, la situation devenait aveuglante de netteté : COMPLETEMENT FOLLE !
 
A enfermer. Enchaînée, un sac de jute sur la tête, et une nonne en option pour lui fracasser le crâne à coups de crucifix : « on-ne-fantasme-jamais-sur-les-cheveux-de-son-ami-d’enfance-Vade-Retro-Satanas ! »
Elle passa aux 37 lettres de l’alphabet cyrillique.
 
Et quand ce fut fait, elle lui en voulut. Enormément. Parce qu’il fallait bien qu’il soit responsable de quelque chose, à la fin ! D’être ce qu’il était, cette énigme nonchalante à la sauver de tout, à l’aise dans une cuisine aussi bien que sur un champ de bataille, maniant l’épée, le charme et le jaune d’œuf.
Il fallait qu’elle casse la figure à quelqu’un, définitivement.
Il fallait qu’elle se batte, sous ce sentiment complètement irrationnel, cette exaspération de ne plus rien tenir sous sa coupe quoi qu’elle fasse…Une feuille d’arbre. Voilà, son petit cœur se transformait en feuille d’arbre sous les sourires de Printemps, et ce n’était pas acceptable ! Sa volonté devait rester de fer, de feu, de n’importe quoi, mais d’essentiellement dur ! Un Jarjayes est toujours essentiellement dur.
 
- OOOOOHHHH mon doux Victor !! tonitrua justement une voix vibrante de sanglots. Preux chevalier emmaillotant mon cœur attendri de son étendard d’amour, beau, tendre Victor, vous ne m’avez pas dit non ! Vous n’avez pas refusé le bonheur simple et domestique de me voir vous prendre dans mes bras, vous serrer contre moi, vous mon mie que j’aime et je vénère !! Oh Victor, Victor notre amour perdurera au-delà des temps, bien après notre mort, des chants seront composés à notre gloire… Oui, amoureux pour toujours, sous le sanglot long des balcons des amants de demain…aaaaaaaaaaah !!! A présent, que nos serments entrent dans les annales…
 
Oscar fut prête à se jeter au visage de son père pour en effacer l’expression perverse, en réalité une béatitude complète qu’elle ne supportait plus ; mais on lui pressa tendrement les épaules avant le geste fatal.
 
- Allons, viens. Inutile de nous attarder.
 
André tâchait de la soustraire au couple très innovant que formaient le Général et Girodelle ; il l’entoura de ses bras, chercha à l’attirer contre lui…
Oscar se dégagea, immédiatement sur le qui-vive. Le Jarjayes, un être essentiellement dur, TOUJOURS !
Elle se méfiait de la stratégie de l’édredon.
Et sa saison préférée était l’Automne.
 
Oscar consentit à suivre les conseils du jeune homme mais resta à bonne distance, crut pouvoir  au moins compter sur une retraite discrète : au premier mouvement les quelques deux milles personnes se fendirent telle la Mer Rouge face à Moïse, un petit malin pas long à avoir l’idée du siècle.
 
- Oh regardez, ils s’en vont ! Vive les mariés ! Vive les mariés !!
 
Rouge de fureur et de honte, Oscar fit face et hurla de toutes ses forces dans la cacophonie générale.
 
- Mais…mais nous ne sommes PAS mariée, sombres idiots !! Oser répéter et je vous casse la figure, tous autant que vous êtes !!
 
RHAAAAA, enfin !! Du meurtre, de l’écrabouillement de brodequins, de la violence gratuite !! La sauvagerie selon Jarjayes, le dur de dur qui clôt en beauté les bals masqués, ça c’était la vraie vie !
On allait enfin s’amuser un peu.
Par contre ce qu’il y a de pénible avec les gens en costumes c’est qu’ils ne sont pas du tout coopératifs, au lieu de se laisser casser quoi que ce soit chacun embraya sur le nouveau refrain à la mode, à croire que personne ne suivait les derniers évènements.
 
- Vive les mariés !!! Vive les mariés !!! Au fait, personne n’a du riz ?! Tiens, lui, son costume est hideux : déchirons-le pour faire des confettis…VIVE LES MARIES !!!
 
Devenant folle de rage et presque sourde la jeune fille armait déjà ses poings, elle fut sans ménagement saisie et catapulter en avant.
- Une épouse se doit de suivre son mari, non ?
 
Et il éclata de rire, ce maroufle ! Traînée comme elle y était venue Oscar sortie de cette église, le bras à moitié arraché par ce maudit compagnon d’armes. Ne voulant rien perdre d’une idylle à ce point bouleversante la foule emboîta immédiatement le pas, la modeste chapelle eut toutes les peines du monde à accoucher de cette bande d’énervés par le col étroit de son parvis.
 
- Mais…qu’est-ce qu’ils veulent à nous suivre comme ça nom de D… ! rugit la jeune fille.
- Si je te le dis tu vas crier.
- Quoi ?
 
Comme devinant ces cogitations la foule se mit à scander un nouveau refrain en courant derrière eux.
 
- UN BAISER ! UN BAISER !
 
Oscar faillit s’étaler sur le pavé.
 
- Ils veulent…QUOI ?!!
- Tu vois, je savais que tu allais crier.
- UN BAISEEEEEEEEEEEEEEEEEEERRRRRRRRRRRR !!! continua la foule, prouvant un manque évident de conversation.
 
La course échevelée continua dans Versailles qui s’éveillait mollement, les deux jeunes gens peu longs à voir la terre promise. Ils s’engouffrèrent dans Jarjayes et par un habile retournement de rein André referma les hautes portes de fer forgé, la foule telle une vague immense s’y fracassa comme des perdus. Les premiers devaient longtemps garder un savant quadrillage sur la joue, pressés par ceux de derrière, sans aucun scrupule.
Rapidement, on s’organisa.
 
- UN BAISER ! UN BAISER ! beugla la meute, barreaux à la main.
 
Les portes tremblaient, on s’écrasait, et André de considérer son œuvre d’un sourire solaire : finalement peu importait la condition, la noblesse et le rang, pour réussir dans la vie il suffit de se trouver du bon côté de la grille.
L’orage à côté de son épaule monta d’un cran supplémentaire.
 
- Ce sont…mais ce sont des porcs ! explosa Oscar, rouge à l’idée qu’on puisse les voir, les considérer, elle et lui…
- Pourquoi des porcs ? L’âme est naturellement romantique sais-tu, et dans certaines circonstances elle connaît même un microclimat de sentimentalisme sans précédent. Comme la cérémonie de mariage par exemple…
- Mais nous ne sommes PAS mariés !! vociféra la jeune fille en tapant du pied. Nous avons dit non tous les deux !
- Et oui, mais s’il n’y a aucun baiser pour entériner la chose…
 
Oscar en resta bouche bée, définitivement pivoine. Ce regard ! Levant les yeux elle capta l’amusement du jeune homme, très content de lui-même bien entendu, si sûr de sa gêne, de sa pudeur enfantine, de cette rage qu’il savait trop bien attiser...Il la poussait dans ses retranchements, comme toujours. Oscar crispa le poing.
Ça n’allait pas se passer comme ça !
 
Mais elle n’avait aucun plan, aucune stratégie dans l’immédiat, étourdie par ces autres n’arrêtant pas de hurler. Les imbéciles !!
Parce qu’un baiser…mais elle ne savait pas ce que c’était, son existence était même un défi permanent à le nier. Un baiser, c’était la mèche allumant un chaos, et la peur, et l’inconnu…et ses désirs. Et ça ? Jamais. Un bref instant le souvenir d’un homme dans un certain placard s’imposa, l’excitation ressentie mêlée à la curiosité incontrôlable. La confusion l’envahit car une autre stature s’imposa, bousculant d’une épaule élégante le Lieutenant, une stature très peu respectueuse, insolente…et juste à côté d’elle.
Face à Girodelle elle s’était sentie audacieuse, mais devant lui…Ah foutre, voilà en quoi se transformait soudain le Capitaine de la Garde ! Un être aussi souple qu’un balai, les mains moites, rien qu’à songer être près de…Bon sang, merdaille et damnation, où était sa raison familière ! Un baiser…ah non alors, jamais ! Jamais. Ce qu’elle désirait ? Mais c’était si simple ! Commander, diriger, tenir le monde au creux de sa main…Elémentaire, vraiment.
 
- Ils ne s’en iront pas tant qu’ils n’auront pas ce qu’ils veulent, je le crains.
 
Si sûr de la connaître ? De lire en elle…Mais foutrerie, elle ne voulait pas être lisible ! Ne le voulait plus. Personne ne saurait plus rien sur ses pensées : un marais. Voilà, désormais elle serait un marais glauque, opaque et très peu lisible, le plus impitoyable de tous les temps. Ah on la défiait ? Et bien d’accord ! Elle décida d’entamer aussitôt sa nouvelle carrière en agrippant un large col de chemise.
 
- OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !!!!! hurla la foule, exangue.
 
Alors seulement elle s’enfuit.
Avec sur sa bouche douloureuse le choc brutal de ce qu’elle considérait comme une chose accomplie et sans lendemain.
Un baiser. Aussi tendre qu’un coup de poing.
Ahaaaa on ne s’attendait pas à ça, hein, monsieur l’Insolent ! Avec tes sourires, tes airs crânes, on fait moins le malin à lui demander des baisers maintenant ! Celui d’un Jarjayes ne peut qu’être féroce, les porcs étaient heureux, et elle aussi, et…Et bon sang, non. Pas elle. C’était encore pire qu’avant. Elle désirait se coltiner la terre entière, se battre, et mordre. Elle devait peut-être encore manquer d’opacité…sûrement.
 
Entrant en trombe dans la demeure Oscar pila net. Perdue en elle-même une partie du désastre s’était effacé et lui sauta littéralement à la figure : Jarjayes, une outre démesurée faite d’amas de victuailles, de rubans, de sucreries écoeurantes, de marbre et de soierie de cauchemar ! A pas lents elle entra dans la Salle de bal, contempla les reliques d’une fête avortée, faite de senteurs suaves à ce point mêlées qu’elles en donnaient la nausée. Peut-on songer aux tourments de l’âme parmi les carcasses de volaille ?
 
- Je peux savoir ce qui vient de se passer, Oscar.
 
La réponse est oui. Tant qu’une voix chaude entre dans la même pièce que vous.
Oscar se retourna.
L’évidence la cloua sur place, à le voir ainsi sur le seuil : définitivement oui, André était beau ; et pire que tout il était là.
Eloignée, ou mieux carrément absente la beauté à ceci de commode qu’on peut à loisir la bosseler, écorner d’une silhouette sa puissance à la rendre torve, maigre, difforme, n’importe quoi mais l’anéantir jusqu’à la dissoudre de votre pauvre petit cœur de feuille d’arbre !
Mais présente, bien présente, cette beauté masculine fut comme un lierre lui enserrant le corps, à s’y accrocher, la caresser, au plus intime et tendre de sa chair jusqu’à étouffer sa bien-aimée et familière rébellion. La beauté d’André était un viol végétal et elle fut atterrée de trouver cela désespérément agréable.
 
Elle n’avait jamais eu la main verte, Bon Dieu ! Les fleurs, les petits gratouillis des insectes contre les écorces, elle détestait. Une carrière formidablement opaque l’attendait où personne ne régnerait sur ses actes, ses choix, libre d’agir comme bon lui semble. On l’admirerait pour sa bravoure, plus de fillette, plus d’ordres, plus de Printemps ! Plus de saisons dans sa nouvelle vie. L’Hiver permanent où rien ne pousse. Et les insectes, elle, c’est à coup de talon qu’elle les soignerait.
 
- Que viens-tu de faire…
- Et bien ! Un baiser, c’est ce que tu voulais non ? Ce que vous vouliez tous ! Laisse-moi tranquille à présent, jeta t-elle, hargneuse.
 
Alors qu’il avançait Oscar se souvint avec contrariété que le lierre poussait même en Hiver. Une de ses principales caractéristiques.
Elle ancra ses jeunes forces au sol, se voulut méchante et hostile pour renverser d’un coup ce charme venu si près, si près qu’elle comprit enfin une part de son secret. A découvrir la toute petite asymétrie du nez qui le rend inoubliable, les pommettes hautes éclairées par l’ombre du sourire. Cette légère dépression de la joue, sous ce sourire précisément, et les dents qui transpercent vos résolutions d’un éclat mat qu’accompagne celui des yeux, lumineux. Oscar fit face en silence à ce garçon magnifique, tenant à bout de mains son pauvre petit cœur palpitant, de peur qu’il ne saute sans attendre dans ses bras printaniers. Et puis le charme, n’est-ce pas aussi un arbre ? Aaaaaaaaah joie des métaphores botaniques, à elle la hache du mépris ! Tchac, on lui coupera la tête alouette, alouette…
 
- Que viens-tu de faire.
 
Zut, la métaphore était inefficace face au charme André…Ne restait plus que le tranchant du ton, plutôt coupe-ongle que cisaille d’ailleurs. Huuu…ou alors du carrément violent : si elle passait de la métaphore à la litote, comme ça, sans préparation, ou pire au coxigrue balancé en pleine poire ? RAAAARRGH voire même de l’oxymore, pas de pitié !!!
 
- Es-tu sourd ?!! brailla t-elle.
 
Heu…oui. Là on était plutôt dans le complément d’objet direct, un peu léger. Mais tudieu, à l’ombre de ce lierre viril ce qu’elle avait chaud tout de même, voilà ce qui bloquait la métaphore ! C’était ça ; ça et la séduction d’une voix caressante. Ou alors cette carrure qui faisait pleins de plis intéressants sur la chemise ? Oui peut-être un peu aussi. Il ne tombait pas, il n’y avait pas d’arbre à proximité pourtant tous les alphabets de la terre n’y suffisaient pas : un regain d’activité agitait sa calotte crânienne jusqu’à l’ébullition. En fait elle cuisait sur place, si tant est que le cerveau soit situé aussi bas.
A moi le complément d’objet direct, TAYAUT !!
  
- Sourd et stupide : nous avons dit « non », il y a eu un baiser, alors officiellement nous ne sommes pas mariés, voilà ! Tout est parfait. Et…et je suis fatiguée, aussi je vais me retirer dans mes appartements, et…
- Oscar, ce qui vient de se passer est tout sauf un baiser. Il en existe certes une multitude mais je peux t’assurer que « ça » n’entre dans aucune catégorie connue.
 
Elle le toisa, hors d’elle. Catégorie ? D’où sortait-il qu’il existât des « catégories » ? En savait-il plus long qu’elle sur le baiser ? La dépassait-il sur ce point précis, par qui, pourquoi, COMMENT ? Tout, ils avaient tout connus et expérimentés ensemble, à quel moment aurait-il appris qu’un baiser n’est pas unique mais « catégorie » ? Serait-il supérieur, détenteur d’un savoir qu’elle-même ne possédait pas ? Impossible, tout simplement impensable, il devait, DEVAIT être aussi ignorant qu’elle ! Il le fallait, ingénu tout autant qu’elle, ignare de ces troubles connaissances qui jamais ne devaient être levés. Elle n’en avait jamais eu la volonté, alors lui non plus, nécessairement !
Car alors…
 
Furieuse et malheureuse Oscar se sentit surtout particulièrement stupide. Et plus seule que jamais. Pas assez tendre, trop chaste et pure, à jamais ignorante, dominée par la honte de ne rien savoir du baiser ni de ses catégories ?
En vain elle se remémora ses lectures passées, les quelques romans médiévaux exaltant l’amour courtois d’un chevalier pour sa dame, seuls bribes sentimentalistes qu’on lui mettait sous les yeux. Mais elle les avait occultés ces passages, au profit des joutes où périssaient moult félons dans d’atroces souffrances, et force détails sanglants que son imaginaire de petit soldat rajoutait.
Que n’avait-elle détaillé les amours complexes de Guenièvre alors, aurait-elle peut-être découvert quelques éléments intéressants sur les « catégories » ! Cette souveraine aussi devenait-elle raide comme un balai face à Lancelot ? Ses mains étaient-elles moites à la vue du sourire de Perceval, rêvait-elle de débarrasser les chevaliers de la Table Ronde de leurs armures et leurs peaux de moutons, du Roi Arthur quand il s’approchait d’elle en simple liquette ?
 
« Ignorante des catégories », voilà l’épitaphe du Capitaine de Jarjayes !
 
- Pourquoi me regardes-tu comme ça ! jeta Oscar, mal à l’aise. Et quelle est cette invention ! Je me suis parfaitement acquittée de mon baiser tout à l’heure, il était splendide, en plein dans le micro-climat sentimental ambiant ! Alors ne me parle plus des baisers grotesques et leurs soit disant catégories dont tu ignores tout évidemment, tu ne fais cela que pour m’humilier, comme à ton habitude !
- C’est cela que tu penses de moi ?
- Et que faut-il que je pense ! Que faut-il que je dise pour qu’on me laisse en paix ? Je ne demande rien, je ne veux rien d’autre, je veux continuer à être…à être…
- Qui donc, Oscar…
- A être moi !! MOI ! Combien de fois faudra t-il te le répéter ! cria t-elle, enrageant de se sentir une subite envie de pleurer. Je veux…
- Je peux t’apprendre, tu sais.
- …continuer ma carrière d’homme, ne plus faire ce qu’on me…quoi ?!! M’apprendre quoi ?
- Un baiser. Je peux t’apprendre ce que c’est. Vraiment.
- Tu veux me…
 


Ça, elle n’avait pas prévu.
Ce coup en traître, l’œil ficelle, le charme opposé à sa hargne…pourquoi n’y avait-elle pas pensé ? Elle devait tout prévoir désormais, TOUT !! C’était évident qu’il ne se rabattrait plus sur les anciens réflexes, les coups de poings, les gifles…ça devenait archaïque, évidemment. A présent il passait au subtil, la méthode bien connue quand on a les yeux verts et les dents qui vont avec, on s’offre précepteur des catégories, et voilà ! Pliée la militaire. Et bien non. Un Jarjayes rompt et ne plie pas, il rompt déjà le silence pour ne pas passer pour un imbécile.
 
Sauf qu’avec un Grandier en face ce n’est jamais si simple.
 
- As-tu déjà oublié ce que je t’aie dit, tout à l’heure, contre l’arbre ? enchaîna t-il de sa foutue voix chaude et caressante. Toi aussi, combien de fois faudra t-il que je te le dise, croire toujours tout régler par ta colère et ta fierté, sous ce tempérament impossible dont je raffole. Et oui je suis fou de toi quand tu tempêtes et tu cries, tes poings serrés comme une jeune lionne, je n’ai qu’une envie alors venir te les limer à coup de dents ! Tu veux te battre, encore ? Contre moi ? Mais tu ne comprends rien décidément. Ah mon adorable, pour qui je me ferai tuer sur place sans l’ombre d’une hésitation si on s’avisait de te faire du mal, et qui impuissant doit te regarder t’entailler l’âme pour continuer de hurler : « voyez, je suis un garçon, un homme, entendez-vous tous combien ma souffrance est grande et cruel mon destin ! Mon père me veut viril, et flamboyant, et impitoyable, mais je serai bien plus, ah mais ! Je suis Oscar, je suis MOI, qui refuse toute espèce de faiblesses bassement terrestres. Parce qu’un baiser, l’amour…Foutrerie mais quelle horreur ! C’est une invention pour cloportes, indigne de moi voyons. »
- Je…je ne suis pas comme ça ! enragea t-elle, les larmes gagnant du terrain.
- Ah non ? Alors viens dans mes bras.
- Quoi ?!!
- Ou je viens dans les tiens. Pour un baiser, un vrai cette fois…
- Que je…mais NON !! De quel droit oses-tu me parler comme cel…
- Et oui mon adorée, J’OSE !! Tu te rends compte ? Après dix-neuf ans de bons et loyaux services, j’ose enfin me montrer sous mon vrai jour, un pervers libidineux que ça gratouille furieusement, sorte de bête déchaînée mourrant d’envie de grimper aux baldaquins avec toi. Et enfermés tous les deux, seuls ici, dois-je le souligner.
 
Elle ne comprit que trop tard le regard appréciateur : soudain le souvenir de la veste d’André pesant sur ses épaules revint à la surface, le tout suffisamment aéré pour exposer impunément diverses parties de peau qu’elle réservait d’habitude à sa glace. Le buste momifié assurait encore un peu de décence à l’ensemble, mais sous cette revue de détail bien particulière cela devenait une notion vraiment très vague.
La jeune fille referma et boutonna le tout comme une furie, jusqu’au cou, au-delà si elle avait pu.
 
- Je t’avertie André ne me provoque pas ! rugit-elle derrière son armure, les joues épanouies comme deux jolis piments.
- Oui sinon quoi, tu me terrasses de ta bravoure ? Encore un duel ? De nouveaux ordres ? J’en ai deux à mon crédit. Et tiens donc…si j’en usais immédiatement ? En abusait, plutôt…
- ANDRE !!! Espèce de…de…je vais te tuer !!
- Mais je n’attends que ça ma chère beauté…rit-il brièvement. Ah chère adorable, il m’est décidément si facile de te provoquer ! Tu ne vois en moi que ce qui t’arranges, tu ne vois que la surface des choses parce que tu as peur fillette, voilà la vérité. Tu as peur de l’eau profonde, tu crains de t’y perdre et tu t’agites, tu brandis tes poings pour ne pas couler et sombrer dans ce que tu pressens de moi. Face à ce que je peux te faire découvrir, ce que je veux te faire découvrir…Bon sang mais quelle superbe entêtée tu fais, si tu savais ! Tu es là, devant moi, la mine scandalisée par l’audace d’un mot, si tentée pourtant, avoue-le donc.
 
 
Elle avala de travers.
…tentée, ELLE ?!! Hein, quoi ?! HAHA non mais voilà autre chose ! Il croyait la troubler…ELLE ?! Son rire intérieur sonna plus faux qu’une crécelle mais ça lui fut bien égal, elle allait couper toutes les branches qui dépassaient chez André et son charme, le réduire à l’état de moignon et continuer sa route pavée de gloire et de fracas ! Ha on veut me dompter ! Et bien oui je suis une lionne, je suis sauvage, je suis…je suis…tellement de choses qu’il faudrait encore deux chapitres, là elle n’avait plus le temps il fallait sévir sans attendre. Parce qu’il venait exactement de faire ce qu’il ne fallait pas : décider d’avance. Et ça, c’était son domaine exclusif.
Seulement…
Lui sauter au visage séance tenante et lui labourer le sourire ? Cela revenait à dire lui tomber dans les bras. Parce qu’elle se fiait très peu au destin à présent, personne n’était de son côté là-haut : on savait comment ça commençait, bagarre, coups de poings, cris et injures, et le tout finissait à l’horizontal. La tactique de l’édredon elle connaissait. Alors, quoi ?
 
La foudre !! Le tonnerre, et les éclairs, dans sa main, tout de suite, liquéfiée sur place la beauté virile! Haaaaaaa mais impossible, elle n’était pas intime avec Dieu, elle avait trop abusé de Son nom en des circonstances très peu chrétiennes pour espérer une aide quelconque. Non.
Pas d’aide naturelle ou surnaturelle…il fallait revenir aux fondamentaux ; mentalement elle refit sa liste : a/ l’artisanat, b/ les bons vieux trucs des anciens, c/ la pierre taillée, d/et e/ les p…
 
- Pourquoi ne pas m’assommer à coup de gâteaux, ce serait plus original…
 
Bon Dieu ! Ah, pardon Seigneur, j’ai encore juré…Mais comment faisait-il pour tout deviner ! Il la connaissait si bien, trop, un coup d’avance à chaque fois, elle DEVAIT devenir un marais sombre et glauque, foutre Dieu ! Euh ?…encore, oui, pardon…Les gâteaux, les sucreries mais bien sûr, les victuailles foisonnaient tout autour d’eux alors pourquoi ne pas se battre à coup de pilons de dinde en guise d’épées, comme se serait élégant ! Le marais, le marais bon sang.
 
Oscar plissa des yeux…et non, ça n’allait pas. Il fallait passer au rang supérieur. Les lions, ces être paresseux et amorphes la plupart du temps, lascifs et pleins de poils…pfeu, pas assez impressionnants. Elle recommença.
 
Oscar plissa des yeux…tel un jeune tigre. Excellent ! Là on sentait bien le rang supérieur.
Voilà, un jeune tigre. Un jeune tigre des marais glauques.
 
Le Capitaine de Jarjayes n’avait pas dit son dernier mot.
 
 


****
 



- Dix contre un qu’il va l’avoir.
- Tenu !
- Vous n’y comprenez rien. Ce sera elle.
- Vous pariez ?
- Non, trop évident : ce sera elle vous dis-je.
- Comment ça, vous pensez qu’elle va lui arracher sa chemise ?
- Ou lui sa veste…
- Dix contre un pour la veste !
- …
- Ou le pantalon…
- Oui mais ils en portent tous les deux.
- Evidemment, ça complique…
- Deux contre un qu’il l’embrasse alors.
- Mais non, elle va lui casser la figure avant, c’est couru. Avec elle ça finit toujours de cette façon.
- Pas face à André. Vous avez vu l’allure ? Ce tout petit déhanché qu’il a pour fermer les grilles de château ? Le mâle à l’état pur ! Et quand il…
- Dix contre un qu’elle l’étrangle avant alors !
- Non, qu’elle l’embrasse !
- Si ça se trouve c’est lui qui va l’étrangler : dix contre un pour le pugilat.
- Tenu ! Mais…
 
Soudain le tonnerre fracassa la voûte céleste d’une telle brusquerie qu’un instant, l’assemblée des Dieux parut passer d’éternité à trépas. Ils se redressèrent tous, comme pris en faute, pâles ou rouges mais unis par un égal éblouissement : Jupiter, tiré par le glorieux équipage d’une dizaine de chevaux immaculés déboulait sans façon à travers les nuées, avec sur le front ce quelque chose de suffisamment flou pour inquiéter chacun. Habituellement tout était net sur Jupiter : ses métamorphoses, ses infidélités (les deuxièmes dépendaient essentiellement des premières, d’ailleurs), ses colères surtout.
Mais quand la physionomie divine se faisait orageuse et vague, comme maintenant, cela ne disait jamais rien qui vaille à l’entourage immédiat.
Sans un mot, mains derrière le dos il descendit de son char pour venir piétiner à son aise devant le rang d’oignon de déesses et de dieux n’en menant pas large, courbant l’échine face à ce qui se préparait. La première salve ne tarda pas.
 
- Puis-je savoir ce que vous étiez en train de faire…
 
Quand une personne pleine de colère contenue entame la conversation de cette manière c’est qu’en principe elle vous tend le piège ancestral : quelqu’un, dans très peu de temps va passer pour un con.
Le tout est donc de bien choisir son camp.
Car si vous jouez les ignorants, un : « mais oui, prenez-moi pour un con ! » va vous exploser au visage assortie de débordements virils des plus pénibles, si vous avouez, le résultat est exactement le même. Sauf que votre interlocuteur aura l’impression que vous monopolisez la connerie pour vous tout seul, notion qui devrait vous rendre tout de suite plus sympathique.
Jouer au con demande donc beaucoup d’habileté et d’entraînement, qualités dont hélas Hercule était bien souvent dépourvu. Le pauvre habitait son rôle avec de telles convictions qu’on atteignait souvent la grâce : à son niveau, la connerie devenait Art.
 
- Puis-je savoir ce que vous étiez en train de faire !!
 
Deuxième salve, rigoureusement identique, très très mauvais signe. Hercule porta son pied en avant, les figures alentour de passer du rouge au vert : ils allaient tous finir écrabouillés (très mauvaise tentative de métaphore là, l’autrice fatigue...)
 
- Jupiter, qu…voilà, je vais vous expliquer :
 
(main sur le cœur il entonna, dans la parfaite et pure musicalité de l’alexandrin. Vous savez, celle qui vous scie les nerfs quand l’acteur est mauvais…Voilà, Hercule cumulait tous les talents) :
 
En ce matin d’Eté, sans rime ni raison
Nous nous dîmes soudain : « va-t-on aux champignons ? »
L’aventure est osée, l’entreprise incertaine
Mais le courage est nôtre, et la quête noble et saine.
Le message est lancé, la manœuvre prend vie
Ces paniers sous le bras rapidement nous lient.
 
Nous partîmes cinq cents, mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au bord :
L’orée du bois joli avait bien belle mine
Et les paniers d’osiers soudain criaient famine.
Tant, à nous voir marcher avec un tel bagage
Les plus épouvantés reprenaient de courage.
 
« Allons ! » dis-je farouche ; « dès lors séparons-nous.
« J’arbitre ce combat, oui craignez mon courroux !
« Le tricherie est vile : vous l’êtes plus encore ;
« Vous n’avez qu’une idée, devenir le plus fort !
« Trahir vos amitiés, vous chiper le panier,
« Et mentir, et gémir, pour simplement gagner
 
« Ce droit combien suprême, vous aurez beau dire non :
« Qu’on vous appelle enfin Le Roi du Champignon ! »
Voilà Ô Jupiter toute l’explication,
Et veux surtout vous dire…
- « …qu’on me prend pour un con !!! » tonna le Maître de l’Univers.
 
Avant qu’Hercule puisse répliquer Jupiter se saisit d’une poignée d’éclairs, et ni une ni deux électrifia la pauvre divinité. Qui ne mourut pas évidemment, mais se transforma aussitôt en une sorte d’énorme et séduisante saucisse grillée sentant la peau de bête, massue à la main couronnée d’un gros nuage noir charbon.
Satisfait l’empereur des Dieux considéra le reste de l’assemblée serrée craintivement, petite, toute petite face à l’immensité furibonde.
 
- Mais regardez-vous, bande de dépravés !! A spéculer sur une hypothétique partie de jambes en l’air, la bave aux lèvres, sans perdre une miette de ce qui se passe en bas en vous poussant bêtement du coude ! Et ne niez pas : si l’un de vous s’avise de me dire qu’il discutait du prix de la girolle, je le livre à Pluton dieu des Enfers. Et croyez-moi, en bas ça rigole beaucoup moins qu’ici.
 
La belle Vénus s’avança timidement, poussée à vrai dire par ses compagnons. C’était la seule capable d’amadouer son père dans ce genre de situation. Elle mis toutes ses qualités morales en avant et susurra, languide :
- Oh, Papa…ne nous grondez pas voyons, Oscar et André sont si mignons…Un peu de distraction ne nous faisait pas de mal, nous…
- Je ne gronde pas, j’engueule !! fulmina le Dieu. Et je n’apprécie que très peu ce remue-ménage autour de ces deux-là. D’ailleurs, Apollon a-t-il fait son travail, a-t-il séduit Oscar de Jarjayes ?
- Euh…et bien, c’est-à-dire que…
- Et voilà ! Et voilà, je m’en doutais ! L’Olympe devient un vaste lupanar où chacun en prend un peu trop à son aise ces derniers temps ; je vous préviens, ne me poussez pas à bout ou ça va très mal finir !! J’en ai assez de voir mes ordres discutés ou contournés, pas suivis du tout la plupart du temps, j’en ai assez de vous voir vous pâmer sur les coucheries des humains, j’en ai assez…j’en ai assez de vous tous, voilà !!! Cette histoire entre Oscar et André me sort par les yeux, j’en ai par-dessus les bouclettes de savoir si oui ou non ils vont finir par faire l’amour ou s’étrangler, j’en ai assez de voir vos faciès de pourceaux baveux.
Alors dispersez-vous, je vous rappelle que je suis armé : Vulcain vient de me forger de nouveaux éclairs à percussion instantanée, là tel que vous me voyez ça me démange le bulbe ! Je ne veux plus, vous entendez, je ne veux plus rien savoir de qui couche avec quoi, de Jarjayes, d’Apollon et des girolles, je ne veux plus que vous vous occupiez de quoi que ce soit d’humain pour les trente prochains millénaires, c’est bien compris ? DISPARAISSEZ !!!
 


Telles de minuscules fourmis grouillantes chacun s’envola vers ses tâches ou son absence de tâche, il était prudent de ne pas le contrarier. En général les colères jupitériennes duraient le temps d’une ondée mais cette fois-ci la secousse avait été rude. Mieux valait faire profil bas…jusqu’à la prochaine fois.
Enfin seul, Jupiter fit quelques pas jusqu’à la trouée de nuage d’où émergeait Jarjayes abritant l’affrontement final, examina le couple face à face d’une paupière dubitative.
 
- Tout ce fracas pour ces jeunes amoureux imbéciles …tss.
Un bruit de sabots résonna à côté de lui : Pégase en personne avançait, se pencha lui aussi.
- Amoureux ? Tu crois vraiment ? s’intéressa le pur-sang en mâchonnant quelques brins d’étoiles. Ils cachent bien leur jeu…
- Bah, l’évidence même. Et ça va finir exactement comme tout le monde le pense, Oscar se réveillera demain matin le sourire jusque là.
- Parce qu’elle aura tué son compagnon ?
- Mais non, bourrique ! Parce que cet André va lui faire six ou sept fois l’amour d’ici demain, c’est tellement visible, incroyable que…
- Jupiter, je t’aime d’un amour infini tu le sais mais continue de m’appeler bourrique, et tu vas sentir autre chose que ma reconnaissance te caresser le bas du dos. Je suis fils de divinité, petit-fils de divinité, ne m…
- Ho Pégase, ne monte pas sur tes grands chevaux veux-tu ! Bon, je suis désolé…tu es content ? Mais c’est eux aussi, qui s’observent en voulant se griffer alors que ce serait si simple !! C’est positivement crispant. Moi, si j’étais à la place d’André je…
- Ah bin ce serait beau en effet, s’ébroua Pégase d’un rire chevalin. Au petit matin Oscar s’apercevrait soudain avoir fait l’amour avec un cygne ou un taureau, ça prendrait un peu de place sous la couette non ?
- Tu es bête, tiens…haussa des épaules Jupiter, vexé.
- Allez Jupi, ne fais pas la tête ! Etre un animal je sais ce que c’est, et ça a du bon. D’autres le disent aussi, d’ailleurs…Mais tout de même, Oscar et André sont de drôles d’amoureux. Tu crois qu’ils vont conclurent avant ce soir ?
- Bien sûr ! Dans les deux heures qui suivent, j’en suis certain.
- Dix contre un que tu te trompes et qu’on y est encore demain !
- Tenu !
- Dis, Jupiter, au fait…c’était quoi cette histoire de guiboles ?
- De GIROLLES, pas de guiboles. La girolle est un champignon, une moisissure si tu préfères.
- Pardon ?
- Quelque chose qu’on ne voit pas et qui surgit en une nuit, voilà.
- Ah…je comprends…Finalement, l’amour c’est comme une moisissure, asséna soudain Pégase d’un ton sentencieux.
- Quoi ?!
- Bin oui, si tout le monde est comme André et Oscar quand ils sont amoureux… : on ne voit rien et ça surgit en une nuit !
- Heu…oui c’est ça mon petit Pégase, soupira Jupiter, c’est un bon résumé.
L’amour, c’est comme une moisissure oui…
 
 
 
 
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