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  IV. L'Envie
 



IV
L’Envie




Oscar, mon amour, je ne suis rien pour toi...rien.
Cette évidence me hante à chaque seconde de ma vie, ton mépris me le hurle plus sûrement que tes lèvres. Oh mon dieu tes lèvres...Elles me rendent fou. Pourtant quelque chose est en train de changer en toi, je le sens. Bien ou mal je ne sais encore mais tu n’es plus la même, de cela je suis prêt à jurer. Cette fureur que tu as eu de piétiner ainsi mon coeur, d’un simple mot : « Domestique ». Tu crois m’avoir blessé ? Comme tu te trompes, à quel point si tu savais !
Je n’ai cure de ce mot, je n’ai vu que tes yeux à cet instant et ce sont eux qui m’ont révélé ce que tu refuses encore. Tu es...troublée. Oui, troublée lorsque tu me regardes désormais.

Je connais la teinte subtile du ciel de ton regard, j’en déchiffre les moindres variations depuis l’enfance, je crois même que tu ne t’es jamais doutée de ce don que je possède pour comprendre ce que tu ne dis pas. Tu te tais, mais moi je sais percevoir la musique de tes silences, je t’observe...
J’attends.

Tu découvres en toi ces choses que tu t’obstinais à croire inutiles, stupides...c’est bien ainsi que tu qualifiais les désirs humains n’est-ce pas ? Tu te bats, comme tu le fais toujours bien sûr mais cette fois tu vas perdre. Parce que j’en ai décidé ainsi.
Je t’ai fait découvrir ce que je suis. Un homme. A présent ose prétendre en être un toi aussi, et tes sens te montreront cette hérésie que t’as enseignée ton père. Cette étape tu l’as franchi malgré toi mais qu’importe, grâce à elle tu es prête à comprendre ce que je vais te faire subir. Tu souffriras...peut-être. Non.
Certainement.

Vois-tu cette souffrance m’est devenue si familière à moi que j’en parle comme d’une amie, une alliée indéfectible pour ouvrir les portes closes de ton coeur. Qui va saigner je le sais. Mais tu ne me laisses pas le choix, il faut bien que je l’entaille pour te faire comprendre qu’il est toujours vivant, qu’il bat là, sous la gangue de cette veste d’officier que tu t’entêtes à brandir pour te protéger de tout.
J’attends l’occasion propice...Sois patiente, et observes à ton tour.
Souffre comme je le fais depuis des années.
Après, seulement après je te guérirai...



Oscar garda la tête obstinément baissée quand elle entendit son compagnon d’armes se lever de table puis quitter la cuisine, se contenta d’un « au revoir André » glacial en réponse à la jovialité de son salut. Ce fut surtout à cause de Grand-Mère qu’elle laissa échapper ce prénom, si haï, pour redonner un semblant de sourire au pauvre visage ridé. Jouer la comédie des apparences pour calmer les angoisses d’une vieille femme...voilà à quoi elle en était réduite. Et cette mascarade était nécessaire pour éluder les interrogations et les insistances de cette parente de coeur qui n’aurait pas été longue à découvrir ce qu’elle voulait taire...
Mais quoi, que pouvait donc découvrir cette vieille chouette indiscrète après tout ! Oh non...non pas elle.
Grand-Mère devait rester à l’abri de sa colère, elle était innocente...ce n’était pas sa faute.
Elle n’était pour rien au calvaire de ce repas pris aux aurores, des coups de boutoir dans sa poitrine quand André était entré et s’était assis, en face d’elle. Grand-Mère n’était pas responsable de la perte subite des saveurs des aliments quand le regard émeraude s’était planté en elle pour ne plus la quitter.
Pourquoi l’avait-il regardé ainsi ?
A quoi pensait-il ? Occupé à ruminer quelques nouvelles insolences pour la défier, sans doute.
Elle n’avait pu lever les yeux, sûre de retrouver l’expression moqueuse de la veille.


Alors elle avait attisé sa rancoeur, encore une fois, toute la puissance de sa rage s’était déchaînée silencieusement pour conserver le masque froid du Colonel de Jarjayes plaqué sur son visage, pour qu’il n’exprime l’affolement de son pouls ni ne fasse trembler sa main sous le désordre de ses pensées. Pensée était un mot bien grandiloquent pour la turbulence s’entrechoquant entre ses tempes. Car personne ne devait savoir, jamais...
Soulagée de ne plus sentir peser sur elle l’attention de son ami Oscar laissa vagabonder son trouble au gré du souvenir si récent, si présent dans ses chairs : des parfums d’épices portés par le vent tiède sur sa peau nue, une bouche créant un soubresaut nouveau qui aussitôt revint en un écho imperceptible au fond de son être. Nedjma Nour…Cette souveraine étrangère était repartie sous ces soleils de volupté qu’elle lui avait fait découvrir, emportant avec elle le secret de sa jouissance.
Une femme...

Et dire que c’était sous les mains d’une femme qu’elle avait éprouvé cela ! Comment pouvait-elle encore se regarder en face ? Ne pas ressentir ne serait-ce qu’une once de culpabilité ? Pourquoi n’avait-elle eu aucune volonté pour stopper cet acte innommable... Rien, elle n’avait rien pu faire. Elle avait échoué, encore une fois. Incapable de maîtriser cette pulsion souterraine l’arrachant de la réalité, de renier la joie de se laisser posséder par ces ondes mystérieuses. Elle se sentait si bien quand l’orgasme la possédait, si bien...l’espace d’un instant elle oubliait tout. Juste un instant.
Parce que revenait la souffrance, terrible, cela aussi elle se devait de l’admettre. C’était difficilement exprimable, Oscar elle-même ne parvenait à comprendre ce sentiment diffus lorsque la réalité reprenait ses droits après l’explosion d’un plaisir qui la laissait pantelante. C’était...comme un besoin perpétuellement inassouvie.
Un manque.
Permanant.
Une frustration comparable au supplice de Tantale lui faisant éprouver la tentation tout en l’assouvissant sans jamais la contenter, et recommençant sans cesse ce surplus de perverse cruauté.
Comme...une envie.
Le jeune Colonel ferma les yeux. La clé de la réponse résidait évidemment en cet aveu qu’elle avait inconsciemment émis aux mains de ses femmes, ivre de caresses, aveu qui était revenu la tourmenter bien plus tard. Une clé ouvrant la porte close de ses désirs, lui coupant le souffle sans pouvoir aller plus loin. Sans oser continuer et franchir le seuil...
Tu le désires donc, ton serviteur…
Cette phrase lui revenait inlassablement, accompagnait chacun de ses gestes, chuchotait la suavité de son évidence au coeur du silence de ses nuits.
Avec une incroyable intensité.
Non... je ne le désire pas, cela n’est pas...possible. Je le hais, de toute mon âme.

Il fallait se convaincre de ce mensonge, elle le sentait. Portée par l’instinct de survie face à l’irrémédiable blessure qu’elle voyait s’ouvrir en elle. La plaie était béante au creux de son ventre...merveilleusement atroce de par la subtilité de ses tourments. Délices et souffrances s’affrontaient rien qu’à l’imaginer nu devant elle. Elle se sentait brûler par l’envie de l’épier encore, de le surprendre, à son insu, de revoir toute cette masse de muscles bouger souplement sous chaque mouvement infime qu’il ferait. Elle voulait le voir s’avancer et s’offrir à elle, la laisser découvrir ce membre viril et dur dressé par ces gestes qu’il avait eu lui-même, lui laisser le plaisir de le toucher en cet endroit si intime qu’elle devinait fiévreux, vibrant de vie. Et voir son visage se transformer sous l’extase quand sa main commencerait à bouger...

- « Ma petite chérie, tu vas bien ? »

Oscar se rendit compte qu’elle s’était recroquevillée sur elle-même, comme en souffrance ce qui était parfaitement le cas. Elle se leva d’un geste un peu brusque, saccadé, rassura l’inquiétude de Grand-Mère d’un sourire sans joie.
- « Oscar, mais qu’est-ce qui se passe avec André, que vous arrive-t-il à tous les deux. »
Non ! Non pas cette question, aucune question, jamais ! La fuite, en lâche, c’était la seule solution.


- « Mais rien Grand-Mère voyons, il n’y a rien. Rien du tout. Je suis un peu fatiguée voilà tout. Je suis inquiète pour la santé de la Reine, sa grossesse est éprouvante. C’est pour cela que parfois je ne suis pas toujours d’excellente humeur je l’admets. Cela va passer, ne t’inquiète pas. »

Après tout il est si simple de mentir à ceux que l’on aime : ils n’écoutent que ce qu’ils veulent croire, ou peut-être font-ils semblant mais Oscar ne chercha pas à déceler autre chose dans les yeux bleus délavés d’inquiétude ; elle se contenta du soupir de soulagement de la vieille dame.

Prendre la fuite.
C’était tout ce dont elle était capable de faire à présent. Mais comment agir autrement ? Cette puissance, tapie au creux d’elle-même lui faisait si peur. Personne ne lui avait dit qu’être un homme se serait cela. Mentir aux autres, mais surtout se mentir, entreprise si douloureuse qu’elle ne savait plus comment s’y prendre. Lui parler ? Provoquer une confrontation avec André et lui dire ouvertement ce qu’elle ressentait ? Lui dire sa haine...ou son envie ?
Jamais ! Plutôt mourir...et c’était bien ce qui était en train de lui arriver, sous ce feu interne la consumant jusqu’à la rendre tremblante de désir si elle n’y prenait garde.
Se confronter à lui c’était prendre le risque de se trahir, se voir alors toiser par l’émeraude d’un oeil moqueur et s’entendre dire : « Et bien? Que t’avais-je dit Oscar ? Tu vois bien que tu es faillible toi aussi, qu’il t’est impossible d’ignorer ta véritable nature et les désirs qui y sont liés. J’avais raison. »
Et peut-être la repousserait-il, la traiterait de monstre d’éprouver ce qu’elle ressentait pour lui, l’injurierait de vouloir commettre l’inceste moral auquel la poussait ses sens déréglés. Il la rejetterait, sûrement. Et puis elle ne pouvait effacer l’affront fait à son orgueil. Pour d’obscures raisons il s’était moqué d’elle, elle ne plierait pas devant lui. Sa fierté l’aiguillonnait jusqu’à lui faire mal mais elle ne pouvait céder. Elle était ainsi faite. Préférant serrer les dents et s’arque bouter sur ses convictions plutôt que d’assouplir des principes pourtant émoussés par les récentes découvertes de son corps.

Céder c’était admettre sa défaite.
Et ce combat elle ne le perdrait pas. Ainsi en avait-elle décidé.
Ses ongles s’enfoncèrent jusqu’au sang dans sa paume tandis qu’elle montait se préparer pour se rendre à Versailles.


Elle commit nombre de fautes ce jour-là. La première fut de ne prêter aucune attention aux manoeuvres de ses hommes créant un bref instant la confusion parmi les rangs sous ses ordres contradictoires...qui attirèrent immédiatement les regards inquisiteurs de son Lieutenant, le Comte de Girodelle. Mais qu’avait-ils donc, tous, à l’appesantir sans cesse de muettes interrogations ! Ne pouvaient-ils la laisser en paix ? La deuxième erreur fut précisément de s’emporter aussitôt contre lui, de le fustiger sans raison augmentant pas-là même le soupçon au fond des prunelles claires. Elle était à bout de nerfs oui, mais s’obstina à affirmer effrontément le contraire, éprouvant comme une joie âcre à jouer de son autorité hiérarchique contre lui.
Et sa troisième erreur, la plus grave, la plus fatale même si elle ne le sut encore, fut d’accepter après moult provocations la proposition de son Lieutenant de lui laisser le commandement pour le reste de cette fin de journée.
Le soleil se coucherait dans quelques heures, les hommes étaient harassés de devoir subir les foudres inexplicables d’un Colonel habituellement froid et précis. Quel mal après tout y avait-il à prendre un peu de repos ?
Elle accepta.
Sans savoir encore qu’elle partait pour l’Enfer en hâtant son retour.

Réellement fatiguée quoique surtout exténuée moralement, Oscar regagna avant l’heure son hôtel particulier et mena sans attendre sa monture à l’écurie, bien décidée à se faire monter un bain tiède avant de s’abrutir de sommeil.
Les murs épais garantissaient une certaine fraîcheur dans la demeure familiale, les volets tirés des portes-fenêtres barraient l’ardeur des rayons toujours impitoyables malgré l’heure avancée. Grand-Mère était absente des cuisines, elle aussi devait se reposer dans ses quartiers comme le lui permettait désormais le Général. Oscar prit une bouteille dans le cellier, but à même la bouteille. La brûlure du cognac ne lui apporta aucun réel réconfort si ce n’était d’augmenter son besoin de se retrouver seule dans ses appartements, sans attendre.
Elle suivit machinalement les couloirs baignés de pénombre quand une voix attira son attention. Une voix féminine.

- « Pourquoi vous ne riez jamais, Monsieur André ? »

Cette question insolite dévia ses pas vers la porte largement entrebâillée du grand salon, elle allait entrer quand une voix grave en écho la dissuada de poursuivre.

- « Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler Monsieur ni de me vouvoyer, c’est ridicule. Tu sais très bien que je suis un domestique ici, tout comme toi. »
- « Oh non, pourquoi vous dites des choses pareilles Monsieur André ! Vous, un domestique ? Avec toute votre instruction ? Vous qui savez si bien causer...oh non pour sûr vous êtes point un domestique, pas comme moi qui sait pas lire et écrire, qui suis tout juste bonne à vider les seaux d’eau sale ici. »



André se tenait devant la porte-fenêtre ouverte, indifférent au soleil embrasant sa silhouette.
C’était l’endroit qu’ils affectionnaient, jadis...
Quand ils dégustaient tous deux une tasse de chocolat fumant, parlant de choses sans importance pour mieux profiter d’une complicité si évidente qu’elle se passait de mots justement ; là où ils avaient reçu Fersen de retour des Amériques et qu’André pour la première fois lui avait fait prendre conscience de l’émotion qui la saisissait lorsque les yeux gris se posaient sur elle. Ils étaient heureux tous trois alors, même s’ils souffraient de trop lourds non-dits. Ils étaient heureux parce qu’ils ignoraient encore tout de ce destin acharné à les meurtrir.

La voix féminine était celle de la petite domestique, celle qui aidait Grand-Mère désormais.
Celle dont Oscar avait perçu les oeillades suggestives attachées à André, et qui là encore semblait l’idolâtrer littéralement à chaque mot. Elle profitait que la maison fut vide de ses maîtres pour nettoyer les pièces, Oscar aperçut un seau et des chiffons échoués sur le parquet. Elle ne sut pas pourquoi elle hésita à révéler sa présence. Peut-être à cause de l’étrange question répétée.

- « Pourquoi vous ne riez jamais ? »

Pourquoi oui...avec stupeur elle découvrit que cette fille avait raison. Elle ne l’avait jamais remarqué.
André se tut, haussa les épaules en revenant vers le marbre de la cheminée, immédiatement suivi par la jeune domestique comme un petit chien. Oscar s’encoigna dans la pénombre, sans oser entrer, sans vouloir partir non plus...

- « Vous semblez si triste Monsieur André, vous avez du souci je le vois bien. Vous pouvez vous confier à moi vous savez. Je sais que je suis pas bien intelligente pour sûr, mais je sais écouter. Je connais les hommes moi... »

Ça, son attitude le confirmait en effet. La ligne des sourcils d’Oscar s’assombrit résolument quand elle aperçut l’assaut de minauderies dont elle faisait montre.
L’adolescente vint tout contre la haute silhouette, essaya de se hausser pour mieux examiner le fier visage en gourmandant de la voix.

- « Dites-moi vos soucis Monsieur André, je vous promets que je les répèterai à personne... »
- « Laisse moi Louison. Va t-en. Et cesse de me donner du Monsieur, cela m’agace.»
- « Oh...pourquoi vous prenez cet air méchant avec moi. J’ai toujours été gentille. Je pourrai l’être encore plus si vous voulez... »


Sa petite main impertinente s’éleva jusqu’à l’échancrure de la chemise du jeune homme et voulut se glisser à l’intérieur.
Une main se referma sur le poignet frêle, avec force apparemment car la domestique poussa un léger cri.
- « Arrête ce jeu immédiatement. »
- « Vous...vous me faites mal ! »
- « Et je t’en ferai encore plus si tu persistes dans cette attitude. »


Interdite, la petite se figea sous la dureté de la menace. Elle le regarda avec toute la fausse candeur de ses seize ans.

- « Pourquoi vous parlez comme ça Monsieur André, je sais que vous êtes pas capable d’être méchant avec moi. Vous êtes le seul que j’aime bien ici vous savez. »

Elle posa sa main sur celle d’André enserrant toujours son poignet et se mit à la caresser doucement.
- « Même si je suis pas bien belle ni très intelligente, vous me méprisez pas vous. Vous êtes gentil...pas comme le fils du maître, le Colonel. Il m’a jamais fait de reproches bien sûr mais il a des yeux si froids, ça vous glace le sang quand il vous regarde...Alors que vous...vous me plaisez beaucoup. »

L’étreinte du jeune homme se relâcha sous ses cajoleries et elle se saisit de sa large main, la portant avec dévotion à sa joue sans quitter l’oeil sévère posé sur elle.
- « Oh Monsieur André, prenez pas cet air fâché. Ça me fait de la peine, à moi...Vous voulez pas me faire de la peine, pas vrai ? Vous êtes tellement gentil vous...tellement.»


Elle guida la main masculine vers son cou, une lueur de convoitise dans ses yeux sombres en l’incitant à venir plus près. Profitant de sa parfaite inertie elle l’a fit descendre encore, un peu, se gardant bien de perdre le contact avec l’émeraude qu’elle souhaitait si fort enflammer par les lentes et imperceptibles progressions sur sa peau moite. Elle mouilla ses lèvres et mit toute la perversion du monde dans son sourire, mena l’étreinte virile jusqu’à l’orée de son corsage et la glissa à l’intérieur.
Une brusque douleur vrilla l’estomac d’Oscar en contemplant le tableau, face à cette main qui ne se retira pas.
Louison posa la sienne sur celle du jeune homme pour inciter à flatter sa poitrine juvénile.
- « Vous voyez, moi je sais vous consoler... »
Tout en se mordant la lèvre, Louison dénoua le lien de sa camisole de coton puis se rapprocha du corps masculin, la mine enjôleuse opposée à l’air tourmenté de ce fier visage.
- « Allons...souriez-moi Monsieur André, dites-moi que je vous console... »

Elle écarta les pans de son vêtement grossier et dénuda complètement son buste pour le donner en pâture aux caresses qu’elle quémandait avec tant d’avidité. Soudain, la vision de cette jeune poitrine sembla agir comme une décharge sur le cerveau d’André. Sans ménagement il repoussa la petite domestique, la foudroya littéralement sur place.
- « Tu es folle ma parole ! Couvre-toi, tu n’es qu’une écervelée. »

Un instant décontenancée elle resta plusieurs secondes à regarder le jeune homme. Et revint à la charge de plus belle en écartant encore sa chemise pour exposer ses petits seins durs et insolents.

- « Allez prenez pas vos grands airs avec moi Monsieur André, je sais que vous en avez envie... »


La gifle claqua, nette, aussi violente que la semonce d’un orage dans un ciel d’été.

Sans songer à se couvrir Louison tint sa joue cuisante, bouche bée face à l’homme qu’elle parut soudain découvrir sous un tout autre jour. Elle bégaya sous l’effet des sanglots qui montaient.

- « A...Alors c’est ça hein ? Vous êtes...vous êtes comme tous les autres ? Vous dites que vous êtes un domestique mais vous vous croyez meilleur que nous, vous êtes comme tous ces gens de la haute qui méprisent les filles comme moi ! Je suis pas assez bien pour vous, c’est ça ? Dites-le, pourquoi vous le dites pas ! »


Elle se détourna, incapable de retenir ses larmes.
Par réflexe Oscar fit un geste malencontreux pour la regarder partir et la porte s’ouvrit au risque de révéler son indiscrète présence ; elle se rejeta vers l’arrière, le souffle en suspend. André détourna vaguement la tête, offrant un profil perdu sous les mèches sombres pour écouter ce qu’il prit sans doute pour le souffle involontaire du vent ; il resta ainsi, sans bouger, attentif à quelque musique invisible sans plus s’occuper de la jeune domestique qui s’était jetée à plat ventre sur un canapé de soie pour pleurer à son aise.


Oscar ne bougea pas non plus, statufiée de découvrir un homme qu’elle n’aurait jamais soupçonné être si dur, comme embrasé sous la sombre lumière de tourments invisibles. Comme...elle ? Il semblait souffrir comme elle, se battre comme elle contre des démons intérieurs. Son ami d’enfance...et soudain découvrir ignorer tout de lui. Que leur était-il donc arrivé, qu’est-ce donc qui les avait éloigné l’un de l’autre. Etre si proches hier, et se sentir comme étrangers l’un à l’autre aujourd’hui, pourquoi...
Elle faillit entrer, quitter l’ombre douloureuse de leurs ressentiments pour la lumière d’une explication franche, mais le mouvement d’André la retint : il reporta brusquement son attention sur la petite domestique comme mû par une soudaine impulsion, puis s’approcha de la forme agitée de soubresauts et s’assit près d’elle sur le rebord du canapé.

- « Excuse-moi Louison, pardonne moi...Tu vois, je te l’avais dit que je te ferai du mal. Tu n’y es pour rien, ce n’est pas de ta faute.
Il caressait doucement les cheveux châtains, parcourait de gestes lents les mèches sur toute leur longueur avant de revenir à son point de départ et recommencer sans cesse.
- « Ce n’est pas toi qui est en cause ; c’est moi qui ne suis pas l’homme que tu crois tout simplement. »
Sans clairement s’en rendre compte Oscar se mit à suivre les lents va-et-vient de sa main d’homme, en vint bientôt à ne voir que cela, n’entendre que ces mots devenus presque tendres et chauds berçant les pleurs de cette fille. Ils engourdissaient ses propres rancoeurs, les endormaient pour mieux éveiller une toute petite flamme trop délicieuse mais si familière désormais...
- « Il ne faut pas t’intéresser à moi comme cela, ne pers pas ton temps... »
La main délaissa les cheveux nattés, trouva du bout des doigts la nuque délicate pour l’effleurer de mouvements apaisants.
- « Sèche tes larmes, je ne vaux pas la peine que l’on pleure ainsi sur moi... »


Sa main descendit encore, sans hâte, caressa avec une soudaine tendresse les omoplates qui se soulevaient toujours de quelques sanglots désespérés. Louison cachait son visage entre ses bras, comme une enfant, mais sur son épaule dénudée se posa la main du jeune homme, tout contre sa peau blanche comme pour en éprouver la douceur. Hypnotisée, l’observatrice de l’ombre entrouvrit les lèvres en songeant que...
- « Calme toi. Pourquoi pleurer comme cela voyons...Tu es jeune n’est-ce pas, tu es jolie. »
- « Ne...ne vous moquer pas de moi Monsieur André. »
- « Je ne me moque pas. On ne t’a donc jamais dit que tu étais jolie ? »


Oscar ne comprenait même plus clairement ce qu’il disait. Seuls comptaient ces mouvements infimes, cette peau nue surtout, et cette envie fulgurante qui la posséda, irraisonnée, immense et dévastatrice, que...que ce fut sa propre épaule qu’elle aurait voulu voir là. Son propre grain de peau effleuré par les doigts hâlés, sentir la chaleur imperceptible se diffuser dans chacune de ses terminaisons nerveuses...

André...monstre que tu es...pourquoi devrais-je éprouver autre chose que de la haine ou de l’indifférence pour toi. Arrête, arrête de me tourmenter ainsi...

- « Oui tu es jolie Louison. Et je suis sûr que tu dois en faire tourner des têtes. N’as-tu donc aucun amoureux ? »


Interpellée, la petite se redressa à demi en quittant enfin sa cachette de chair, regarda avec stupeur cette main sur son épaule. Malgré son menton encore tremblant de larmes elle se mordit les lèvres puis balbutia tant bien que mal, visiblement troublée.

- « Un...un amoureux ? Je...oui, il y a le fils du métayer qui voudrait bien qu’on se marie. Et puis le forgeron aussi... »
- « Tu vois bien. Pourquoi vouloir me séduire alors, puisque ces garçons t’offrent ce que je ne pourrais jamais te donner. »
- « Mais...mais avec vous c’est pas pareil Monsieur André. Vous, vous êtes si...si... »


Louison s’interrompit : ayant pris appui sur ses avant-bras pour répondre la manche de son corsage était retombé, mais loin de la remettre en place la main masculine poursuivit sa route le long du tracé du bras et repoussa encore le vêtement pour le dévoiler davantage.
Oscar était suspendue à chaque geste, percevant le volcan de son intimité se mettre à sourdre désagréablement et palpiter, partagée entre le dégoût, la révolte...et le plaisir, le plaisir amer d’imaginer ces contacts sur elle, et sa haine de ne jamais voir cette hérésie s’accomplir.

Arrête André...laisse cette fille. Je t’interdis de la toucher tu entends ? Je t’interdis de la toucher de cette façon...


La petite mis du temps à comprendre ce qui se passait.
- « M...Monsieur André mais qu’est-ce que vous faites... »
- « Tais-toi. »
- « Mais vous disiez qu... »
- « Tais-toi te dis-je. »

Sans bouger elle vit avec hébétude la main se glisser sous elle, puis sa voix exprima très vite sa satisfaction quand la paume virile effleura son sein avec méthode, pour faire se durcir le téton déjà dressé.
Oscar sentit la douleur mordre son ventre.

Non André, tu n’as pas le droit ! Pourquoi fais-tu ça, pourquoi ?


Ses paupières devinrent lourdes de colère en goûtant l’âcreté de sa propre faiblesse, son manque de volonté pour fuir ce qu’elle savait ne pouvoir supporter et désirer en même temps, ce mélange de trouble douceur à s’imaginer là, offerte et nue, allongée sur le canapé avec la main d’André contre son sein durci lui aussi par l’indécence de ces attouchements. Fuir...et rester, contempler celui qu’elle voulait haïr de toutes ses forces pour mieux nier l’adorer.

Louison se cambra légèrement lorsque de l’index et du majeur André chercha et capta le mamelon pour le tourmenter délicieusement, le faire rouler entre la pulpe de ses phalanges par de petits mouvements.
Non...André...non...


- « Oh... oui Monsieur André, oui...encore, c’est tellement bon.... »

Les yeux d’Oscar se brouillèrent au son des halètements. Son ventre se tordit davantage quand elle avisa brusquement l’autre main du jeune homme...
- « Oh mon Dieu mais qu’est-ce que vous faites... N...on Monsieur André si...si on nous surprenait ! »
- « Ne t’ai-je pas dit de te taire... »


Avec douceur André souleva haut les jupons de la petite domestique, caressa ce fessier rebondi à travers le fin tissu des culottes de toiles.

Tu es un monstre André, je te déteste, je te hais ! De quel droit fais-tu cela, toi qui te disais mon ami ! Tu ne peux me trahir ainsi, tu ne le dois pas ! Ces gestes c’est...c’est sur moi que tu devrais les avoir, sur moi tu entends !


Oscar mis une main sur sa bouche, comme pour comprimer le flot de ses pensées fiévreuses. Son pouls commença à battre de plus en plus violemment quand André dessina du bout des doigts la raie tendre des fesses, l’entrouvrit délicatement pour y glisser ses caresses malgré le rempart de tissu. La toile de coton collait à cette peau frémissante de sueur, faisait briller les reins à moitié découverts qui se mouvaient légèrement au rythme de la délicieuse intrusion. Mais bientôt cela ne fut plus suffisant. La petite se cambra encore, s’offrit, incita cette main à venir l’explorer davantage.


Non André, arrête ! Comment oses-tu te permettre de telles choses sur elle, tu n’es qu’un monstre, un être ignoble !



D’un geste savant la main d’André joua avec la ceinture du vêtement, tantôt la soulevant, à peine, tantôt la repoussant pour faire naître la naissance des fesses puis les recouvrir, rendant sa victime consentante folle de désir.
- « Oooooh oui Monsieur André, oui !! Encore, encore !! »



Monstre....

Les mâchoires d’Oscar ses crispèrent désespérément et ses poings devinrent blancs au son des cris suppliants, ces cris qu’elle avait peut-être poussé elle-même sans s’en rendre compte sous des mains féminines, aujourd’hui suscités par les mouvements sensuels d’une main honnie et désespérément aimée.
Elle resta là les yeux brûlant, immobile, vit le plaisir pur s’afficher sur ce jeune visage quand la culotte fut définitivement repoussée entre ses jambes entrouvertes, entendit son cri assouvi quand s’enfonça un doigt voluptueux dans l’anneau de chair. Un soupir de déception suivit quand il se retira, trop tôt apparemment car les reins s’élevèrent aussitôt pour quémander l’intrusion, la provoquer par des coups de hanches affamés et finalement se reculèrent, d’un coup brusque, firent s’engouffrer l’objet de ses délices pour recommencer, par des creusements toujours plus rapides.
La jeune voix se modula sous la jouissance quand un nouveau doigt fut ajouté, puis un autre, sans que ne cesse désormais ses va-et-vient frénétiques.

Oscar fit volte-face, s’adossa au mur tandis que les cris se firent l’annonce d’un orgasme violent et ne couvrent ses pleurs silencieux.
Perdue dans les arcanes de sa douleur et de sa fièvre elle entendit jouir cette petite, sa main toujours plaquée contre sa bouche pour contenir son désespoir et la folie de songer qu’elle aurait donné jusqu’à la dernière goutte de son sang pour se retrouver à cet instant étendue, alanguie sous la main virile, à subir tous les merveilleux tourments qu’elle aurait bien voulu lui procurer. Et mourir...mourir sous cette délicieuse agonie, à l’infini...
Elle se dégagea et s’enfuit à travers les couloirs.
La douleur irradiait chaque fibre de son être, au point de vouloir la hurler jusqu’à s’en briser la gorge. Toute cette rage... cette rage immense à défaut de savoir l’appeler autrement.

Comment as-tu pu André ! Pourquoi as-tu fait cela ? Comment as-tu osé ! Tu n’es qu’une bête immonde, tu m’as trahi, jamais je ne te le pardonnerai !



Elle se rua dans ses appartements, avisa le vase où Grand-Mère avait disposé quelques roses rouges. Elle s’en saisit et les pulvérisa sauvagement, projeta la fragile porcelaine contre sa porte close. Dociles, les pétales éparpillèrent leur douceur sanglante tandis qu’Oscar tombait à genoux au milieu de la pièce, ivre de larmes.
Pleurer...
Si André ne riait pas, elle-même n’acceptait pas d’exprimer sa souffrance de cette manière. Jamais elle ne pleurait. Et aujourd’hui...Elle se replia sur elle-même, se prit la tête dans les mains pour cacher cet inacceptable et honteuse manifestation d’humanité. Elle avait tellement mal ! Pourquoi tant de violence ? En quoi André devait-il lui être redevable, en quoi l’avait-il trahi ? Un étau broyait son coeur à l’étouffer.
Elle resta longtemps prostrée, essayant de fermer son esprit aux images lascives lacérant ses chairs, qui bien malgré elle attisait cette faim dévorante et invisible dont elle ne parvenait plus à se débarrasser.
Le soleil déclinait définitivement lorsqu’elle se releva, vide, ravagée. Elle se passa un peu d’eau sur son visage, se tint immobile en sentant les gouttes emporter le sel de sa souffrance. Et baissa la tête non pas d’accablement mais de colère, murmura rageusement pour elle-même :

- « Très bien André. D’accord. Tu as gagné. Tu avais raison, je ne peux lutter contre cette fièvre qui m’étreint et que tu appelles les « désirs terrestres ». Mais sache que jamais je ne te donnerai la satisfaction de l’admettre devant toi. Jamais. Je n’ai que faire de toi. Après tout tu es libre d’agir comme bon te semble avec cette traînée, tu n’es rien pour moi. Tu n’es plus mon frère. Tu n’es plus...mon ami.
Tu es libre, oui. Et bien moi aussi je le suis désormais, tu vas voir à quel point... »






* * *






Il n’y comprenait rien.
Mais qu’est-ce qui lui avait pris aujourd’hui ? Bon sang, cela devenait réellement par trop compliqué de comprendre quoi que ce soit à cette énigme aux yeux d’azur ! Qui lorsqu’elle se mettait en colère lui faisait bouillir les sangs à lui aussi, pour bien d’autres raisons. C’était curieux d’ailleurs, cette capacité qu’elle avait d’exciter ses sens quand elle jouait à l’homme. Plus elle essayait de paraître virile, plus la délicatesse de ses traits ressortait et contrastait avec l’ardeur de ses yeux de glace. Dans ces moments-là, rares, comme il avait envie de lui montrer les quelques différences inhérentes entre l’homme et la femme...
Et ce qui était curieux c’est que ces situations se multipliaient ces derniers temps. Oh pas ses accès de désir non, ceux-là il en était maître après tout, ils ne le possédaient que parce qu’il le voulait bien. Mais c’était cette colère qui paraissait nouvelle chez l’insensible Colonel de Jarjayes.

Sans se croire exceptionnel observateur, Victor-Clément de Girodelle se targuait tout de même d’une certaine finesse d’esprit suffisante pour voir des subtilités invisibles à d’autres yeux moins exercés.
Et ces dernières semaines quelque chose se passait sous ce front lisse, comme une infime lumière tout au fond des prunelles célestes de son supérieur. Elle semblait tourmentée par quelque chose, la rejetant en elle-même sans plus faire attention à quiconque. A vrai dire ce n’était pas toujours pour lui déplaire car le spectacle de ce visage absent était ma foi fort intéressant. Et instructif.
A de très courts instants le sang avivait soudain ses joues, la féminisait au possible. Même si le bleu de son regard restait lisse et insondable cette flamme nouvelle les gagnait eux aussi et c’était bien cela qui l’intriguait. C’était peut-être lui qui devenait définitivement fou mais il avait la très nette impression durant ces quelques secondes qu’une autre nature se mouvait dans l’enveloppe raide du Colonel de Jarjayes, comme un élan aussitôt réprimé mais conforme à la nature véritable de sa personnalité distante qu’elle lui opposait pourtant quotidiennement.
Girodelle soupira en s’étirant devant la cheminée de ses quartiers privés.

- « Tu fantasmes trop Victor, voila la vérité ! » dit-il tout haut, résigné.


Il balança une bûche dans l’âtre, qui protesta aussitôt d’être ainsi malmenée par les milliers d’escarbilles incandescentes projetées un peu partout ; le Lieutenant pesta quand à lui contre l’humidité des quartiers des officiers les obligeant à toujours se chauffer même en plein mois de juin. Et tiens...demain cela ne serait-il pas un bon prétexte pour solliciter une entrevue supplémentaire à son Colonel ? Girodelle leva les yeux au ciel : c’était tout de même désespérant et peu glorieux de devoir parler salubrité dans le seul but de voir bouger les lèvres si désirables de son Colonel tout en rêvant de les caresser des siennes ! La folie le guettait bel et bien, décidément.

- « Ah non ! »

Cette nouvelle invective n’était pas due aux conditions de vie déplorable des soldats de Sa Majesté mais à des coups impérieux à sa porte, promesse sans doute de nouvelles contrariétés pour le lendemain : bon sang, quel ordre le soldat de garde lui apportait-il encore ? A n’en pas douter une revue en règle dès les premières heures de l’aube, ou une lettre de reproches bien sentie dont son supérieur avait le secret. Ah mais cette fois-ci cela n’allait pas se passer comme cela ! Tant pis pour le pauvre diable qui se trouvait là mais c’est sur lui qu’il allait déverser sa mauvaise humeur.
Le Lieutenant de Girodelle ouvrit à toute volée...et resta bouche bée non face à l’émissaire du Colonel, mais bien au Colonel de Jarjayes lui-même. Il restait à contempler cette vision improbable quand une voix glaciale bouscula ses étonnements.

- « Allez-vous me laisser entrer ou faudra-t-il que nous conversions dans le couloir ? »


Son humeur ne s’était pas arrangée apparemment. Mais rester planté là n’arrangerait pas les choses non plus, il s’empressa de s’effacer pour livrer place au large pas déterminé.
Eh bien...fantasmer seul était une chose mais avoir sous les yeux l’objet même de ses désirs en était une autre, singulièrement excitante tout à coup ! Surtout dans cet environnement banal quoique raffiné grâce aux deux-trois tapis coûteux masquant les lattes du parquet fatigué, et les quelques très belles faïences transfuges de sa demeure personnelle.
Malgré tout, cette présence était un sommet d’incongruité à cause du fossé hiérarchique qu’elle n’avait jamais manqué de creuser entre eux. Il s’efforça néanmoins de faire preuve de sa parfaite courtoisie habituelle, légèrement décontenancé par un détail cependant : après avoir fait brusquement volte-face elle se mit à le regarder.
Non, le détailler. Avec grand soin.
De manière froide, distante, presque hostile aurait-il eu envie de dire, mais avec énormément d’intensité.
C’était bien la première fois depuis qu’ils se connaissaient. Evidemment il ne pouvait encore imaginer ce qui allait suivre...
Ne sachant trop comment se comporter il allait proposer un siège et un verre d’un excellent cru quand la foudre parut tomber au beau milieu de la pièce concrétisée par un ordre, bref, claqué comme l’estafilade d’une lame.


- « Girodelle, ne dites pas un mot et faites-moi l’amour ! C’est un ordre. »




Bien que parfaitement rodé aux subtilités du libertinage et des conversations galantes le Comte de Girodelle resta parfaitement immobile en tâchant de découvrir l’explication rationnelle à l’énormité qu’il venait d’entendre, essayant même de changer mentalement l’ordre des mots pour obtenir un ensemble plus cohérent.
Peine perdue, la légère pulsion venant troubler son bas-ventre attestait de toute façon la réalité du propos et le parfait fonctionnement de son audition ; mais il n’était pas homme à se laisser impressionner si facilement, par quoi que ce soit ; aussi relégua t-il dans la seconde les images fort plaisantes qui l’assaillirent pour se concentrer sur la santé mentale de son Colonel qui apparemment laissait à désirer.

- « Colonel, je conçois que votre journée ait été rude aujourd’hui, néanmoins il me semblerait infiniment plus judicieux que v... »
- « Quel mot n’avez-vous pas compris Lieutenant ? Ce que je vous demande est pourtant simple mais s’il faut vous le répéter, soit : faites-moi l’amour Girodelle, tout de suite ! »



Lui n’était pas fou, de cela au moins il était sûr. Le Colonel par contre présentait tout de même de sérieux symptômes...
- « Hum... Colonel. J’adorerais continuer cette aimable conversation mais je ne vous cache pas que je me lève aux aurores demain, sur votre ordre d’ailleurs, étrange coïncidence. Aussi vaut-il mieux que vous preniez congé et... »
- « Taisez-vous ! »


Ce ton n’admettait aucune réplique, il ne le connaissait que trop. Par contre l’expression de son visage lui était inconnue, très loin du masque maîtrisé qu’elle affectionnait. Mais que diable lui prenait-il décidément...
Il perçut brusquement la tension qui saillait ses mâchoires, ses yeux clairs brûlant d’on ne savait quelle fièvre, la raideur de ce corps délié. Oui il se passait bien quelque chose dans cet esprit, il l’avait parfaitement deviné.
Mais aboutir à la conclusion incroyable de cet ordre aboyé cachait une immensité de secrets qu’il la savait bien loin de vouloir partager avec lui.
Il fallait agir pourtant, quitter cet état d’inertie sous peine de passer pour un parfait crétin.
Avant toute chose essayer de la détendre, c’était la meilleure chose à faire plutôt que de la raisonner.
Oscar n’était pas homme à se confier...et n’était pas homme du tout d’ailleurs. Détail qu’il se garderait bien d’oublier. Passant outre le regard destructeur qui l’accompagna, il se dirigea vers un coin de son bureau et sortit deux verres d’un petit meuble bas. Il tendit bientôt un verre de vin aussitôt couvé comme le plus violent des arsenics.

- « Avez-vous perdu la tête Girodelle ? M’avez-vous entendu, croyez-vous que je sois venu ici pour faire ce genre de mondanités ? »
- « J’ai parfaitement entendu votre demande Colonel. Pour autant est-ce une raison de se comporter comme des animaux ? »


Elle hésita. Elle n’avait visiblement pas prévu cette réaction.
Tant mieux, ne dit-on pas que la surprise est souvent gage de réussite dans un couple ? De mieux en mieux, voilà qu’il divaguait totalement à présent ! L’ambiance s’y prêtait, il fallait bien le reconnaître. Après tout...pourquoi ne pas se laisser porter par les évènements pour le moins...irrationnels justement ? Il attendait cela depuis si longtemps au fond. Elle avait fait sa demande en militaire, brutale.
Elle envisageait l’amour comme un combat apparemment, une guerre qui, il l’espérait, laisserait en vie les deux combattants...Quoique.
Et bien oui...après tout il serait peut-être intéressant d’entamer cet affrontement d’une façon disons...différente.
La troubler par exemple. Lui faire perdre peu à peu ses points d’ancrage pour la mener vers ce qu’elle demandait...mais selon ses propres règles du jeu. En douceur. En volupté.

Très intéressant oui...







 
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