6P Designs.Adapted by Rozam

   
 
  II. L'Avarice
 


II
L’Avarice




Prostrée devant son bureau, le regard fixe et dur rivé sur la feuille blanche Oscar paraissait absorbée par sa tâche alors que rien ne parvenait à la détourner du tumulte de ses sens.
Depuis trois heures elle était assise là et pas un instant n’avait réussi à chasser l’image nette, obscène, de la nudité de son ami et de ce qu’il venait de faire dans la grange. Sans réussir à maîtriser un mélange de dégoût et de plaisir qui torturait sourdement sa conscience. Comme un volcan assoupi se réveillant soudain une vie semblait palpiter là, au creux de son propre ventre, au cœur de sa féminité de manière si scandaleuse qu’elle-même se dégoûtait. Elle était véritablement en état de choc.

Inlassablement devant elle apparaissait André, la texture de sa peau, la forme masculine de ses fesses…Oscar ferma les yeux à l’évocation de chaque détail du sexe du jeune homme, la transe qui l’avait saisie à l’écoute de ses gémissements lorsqu’il avait touché et caressé cette partie de son corps. Tout cela l’envahissait et gardait son mystère. D’où lui était venu ce sourire de bien-être qu’elle ne lui connaissait pas, que lui causait donc cette pratique condamnée pas la morale chrétienne ? Comment osait-il la juger, pourquoi la provoquer ainsi sur la sécheresse de ses sentiments quand lui-même faisait cette…ces choses ignobles sur son corps ? Où avait-il apprit cela, qui l’avait dévoyé. Il fallait bien que quelqu’un lui eut montré, car il n’était pas possible que cela fut venu de manière naturelle.
André était un monstre.

A bout de nerfs, pour reprendre le contrôle Oscar tenta de se concentrer sur ses obligations qu’il lui faudrait remplir après ces quelques jours de repos forcé. Mais sa pensée n’arrivait à se fixer sur aucun sujet, dériva très vite sur ce feu qu’elle ne pouvait plus endiguer. Car quelque chose était en train de naître au fond d’elle-même, comme une faim étrange, un appétit dévorant à mesure qu’elle luttait contre lui. Une chose bien plus tourmentante quand dans cette grange, à épier l’innommable. Le souffle en désordre Oscar osait à peine formuler la perception honteuse qui tiraillait le creux de ses cuisses, qui pesait sur son intimité à en être follement inconfortable. Ivre de rage elle croisa les jambes et les pressa furieusement l’une contre l’autre, comme pour broyer et anéantir ce qui la tourmentait. Son poing s’abattit sur le bois ouvragé du bureau.

- « Je ne me laisserai pas faire ! »


Sa respiration s’agita sous l’étau de sa volonté, saccadée par la violence d’un combat invisible. Que lui arrivait-il, tout cela était intolérable, insensé ! Que lui importait André et ses habitudes abjectes, cette obscénité qu’elle allait bien vite s’empresser d’oublier ! Jamais elle n’aurait du voir cela, c’était la seule origine possible à son trouble. Aucune autre raison…Oscar ferma les yeux, avalant péniblement sa salive. Malgré toute la force de sa volonté chaque fibre de son être réagissait à un besoin instinctif, déplaisant, elle devait endiguer tout cela au plus vite. Au bout de quelques secondes son trouble se calma alors qu’une légère bouffée d’orgueil l’envahit, persuadée avoir enfin dompté cet honteux soubresaut intime. Elle dut bien vite déchanter : alors que son souffle s’apaisait de nouvelles sensations firent surface.
Oscar fronça lentement la ligne sévère de ses sourcils : certes ses jambes très intensément serrées paraissaient atténuer l’intensité de sa fièvre intime mais…pour la rendre encore plus délicieuse.
Incapable de contrôler ce mouvement la jeune militaire perçut bientôt une discrète palpitation de ses cuisses, qui s’intensifia dès qu’elle en eu conscience. Ce mouvement l’apaisait et l’excitait à la fois, cette sensation l’étonna si fort qu’elle ne songea même pas à stopper.
D’ailleurs, en avait-elle seulement envie ?
D’où cela lui venait-il…Se redressant encore elle posa ses avant-bras sur le rebord du bureau et immédiatement se reins amorcèrent un léger creusement ayant pour conséquence de révéler d’étranges envies.
Et recommença, plus fort. La sensation augmenta d’autant entre ses jambes ; le doux frottement du siège contre sa féminité, ses reins bougeant à peine, ses cuisses intimement liées et vibrantes… elle ne savait ce qui lui causait les plus savoureux tourments. Il fallait arrêter ça, il le fallait…
Elle ferma les yeux, l’image du corps d’André faisant aussitôt rougir ses joues et augmenter l’indécence des mouvements de son bassin. Contre sa volonté une de ses mains frôla le tissu de son pantalon…

- « Ma chérie, es-tu souffrante ? Cela fait cent fois que je t’appelle ! Le déjeuner va refroidir… »


Comme une bulle de rosée éclatant sur l’épine d’une fleur, Oscar ouvrit brutalement les yeux sous l’appel discret de Grand-Mère à sa porte. Face à l’ignominie de ses pensées et de ses gestes elle se leva aussitôt. Mais que lui arrivait-il ? Etait-elle folle ? Où étaient donc ses beaux principes énoncés seulement quelques jours plus tôt : les instincts sont méprisables, vils et inutiles face à la puissance inébranlable de la volonté. Où donc se terrait sa volonté à présent, pourquoi se laissait-elle insidieusement dominé par…elle ne savait quoi.

Le monstre, c’était elle.
Révulsée elle se précipita hors de la pièce, décidée à oublier définitivement toutes ces insanités.
Un pincement désagréable tirailla le cœur du jeune Colonel : au cours de ce déjeuner elle allait devoir subir la détestable présence…

Malgré son rang de subordonné André prenait en effet ses repas en compagnie du Général et d’elle-même, les liens tissés durant l’enfance rendaient d’ailleurs cette particularité évidente pour tous les domestiques.
Pourtant cette marque de faveur était loin de faire l’unanimité : méprisé par les nobles à cause de sa naissance, considéré avec méfiance par les roturiers André Grandier semblait condamné à demeurer écartelé entre deux castes sans véritablement appartenir à aucune. Il occupait la charge de palefrenier au domaine des Jarjayes, était devenu avant tout devenu le compagnon d’arme grâce à la mansuétude du Général auprès de celle qu’il appelait « son fils ». Mais cet état de grâce s’arrêtait aux grilles du domaine.

Au-delà il était de plus en plus ouvertement méprisé pour sa sympathie envers « ces chiens de nobles » selon l’expression en vogue. Il arrivait même que l’on crachât parfois sur son passage, ces malveillants vite découragés par la mine ombrageuse et la lueur un peu sauvage de son oeil unique. Mais de cela André n’en parlait à quiconque, pas même Oscar.
Lorsque cette dernière arriva et prit place les deux hommes parlaient chevaux, le Général ayant l’intention d’enrichir ses écuries de nouvelles acquisitions. La jeune militaire en profita pour écouter ces voix graves et posées sans desserrer les dents, toute à ses pensées. En vérité elle n’osait regarder le jeune homme, craignant qu’à la vue de sa large stature celle totalement dénudée ne vienne aussitôt se superposer et cuire ses joues de honte.
L’entendre parler ainsi, neutre, calma un peu le choc de la découverte récente de ce corps masculin. Il redevenait celui qu’elle avait toujours connu, l’être pondéré et abstrait qui la réconfortait en faisant oublier sa présence. Mais elle lui en voulait malgré tout, énormément.
Différemment.


Un autre sentiment était en train de naître. Certes elle était obligée de reconnaître que ce qu’elle avait surpris était avant tout de son fait, à elle. C’était elle qui avait provoqué sciemment l’éprouvante situation de le surprendre, tapie dans l’ombre. Elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même sur ce point.
Par contre elle lui en voulait pour une raison qu’elle qualifiait elle-même d’absurde : être ce qu’il était. C’est-à-dire un homme. Finalement André appartenait bel et bien à une caste, celle des mâles comme l’attestait ce membre triomphant planté entre les jambes. Et vu ce qu’il en avait fait, le jeune Colonel de Jarjayes n’en commença que plus fortement à le détester, pour cette simple et désespérante raison.
De sorte, son regard se durcit quand elle le fixa un bref instant au cours de l’après-midi. Elle n’eut aucune aménité, aucune douceur dans sa prunelle parce qu’immédiatement une chaude douleur vrilla le creux de son estomac. Ainsi le simple fait de le regarder ravivait son trouble ? Oscar contracta ses mâchoires…il n’était pas dit qu’elle se laisserait vaincre par de tels sursauts.
Comme beaucoup d’autres choses elle allait ensevelir André sous le plomb des secrets de son cœur, pour qu’il ne vibre plus de manière si honteuse. Non…ce n’était pas son cœur qui tressaillait mais bien son corps, de manière intolérable. Insupportable.
Le jeune homme ne parut s’apercevoir de rien et continua d’exister comme de coutume.
Resta l’être serviable que Grand-Mère affectionnait, l’homme dévoué qu’appréciait le Général.
Et le tourment d’Oscar.
Parce que ce fut à cette seconde que cela commença.


Dès le soir même les premiers signes furent visibles.
Fut-ce à cause de la chaleur particulièrement éprouvante, qui agaçait tant les humains que les bêtes ?
Si les chevaux furent en effet particulièrement nerveux cette nuit-là, ce ne fut rien comparé à l’agitation de la jeune femme qui se réveilla soudain en sursaut. En nage, la respiration désordonnée elle semblait émerger de quelques cauchemars, et se laissa retomber lourdement sur l’oreiller comme en proie à d’insoutenables visions. Ce qui était le cas, mais pour des raisons qu’elle osait à peine s’avouer à elle-même. Car dans ce rêve la scène ignoble de la grange s’était de nouveau déroulée sous ses yeux…. Elle se voyait, tapie dans l’ombre à observer le jeune homme, sentant lentement les ondes délicieuses envahir son intimité. Puis un bruit, derrière elle. Elle se retournait et découvrait André, qui l’observait à son tour avant de s’approcher avec lenteur, sans qu’elle puisse amorcer le moindre geste de repli. Et soudain elle se découvrait nue alors que lui était parfaitement habillé, avec horreur elle voyait les rôles s’inverser et ne pouvait que le regarder venir à elle, brûlante, comme tétanisée. Elle voulait crier, fuir, et en était incapable.
Ses yeux agrandis d’émotion, de peur ou de révolte elle ne savait plus, se fixaient alors sur la main du jeune homme venue contre la douceur de son ventre ; qu’il effleura, à peine, avant de descendre tendrement s’insinuer dans sa toison pubienne, la caresser et…



Désespéré le poing colérique de la jeune Colonel s’abattit sur le drap.
C’était ignoble ! Ignoble...Et le pire était qu’elle percevait toujours comme une joie à cette vision débridée, une joie sauvage brûlant ses reins et son bas-ventre qui la marquait d’une empreinte physique, réelle ! Elle ne pouvait tolérer pareilles horreurs, surtout pas dans ses rêves. Tout cela devait cesser ! Oscar se rejeta à plat ventre sur l’oreiller et l’empoigna, de toutes ses forces, en pleura de rage. Jamais pareilles manifestations n’étaient venues troubler ses nuits ni son corps. A cause d’André ! A cet instant elle le haït réellement de toute son âme.
Elle fut d’une humeur massacrante le lendemain, n’ayant pas réussi à fermer l’œil, dévorée de culpabilité. Et ce n’était plus mental, c’était bel et bien devenu on ne peut plus palpable et concret. Le feu était en elle, dévorant.
Après avoir mené une vie impossible à toute la domesticité, s’être disputée avec Grand-Mère pour une broutille dont elle ne se souvenait plus la demi-heure suivante, Oscar se retrouva avec beaucoup de soulagement dans ses appartements le soir même. Sans savoir pourquoi elle s’imaginait être l’objet de sourds reproches à chaque personne croisée, de moqueries, comme si tout un chacun fut capable de déchiffrer ses pensées impures de la nuit.
Quand sa porte fut close elle se calma un peu.

Elle se coucha rapidement, vaguement malheureuse et extrêmement contrariée de sentir qu’elle ne dormirait pas bien cette fois encore. Jusqu’au cœur de ses nuits Oscar était homme : elle portait une large tunique de lin jetée sur un pantalon court s’arrêtant au genou, tenue qu’adoptait tous les officiers de haut rang contrairement aux simples soldats, qui eux devaient se contenter de dormir torse nu, même en hiver.
Au bout de quelques minutes elle commença à se retourner nerveusement : tout lui semblait inconfortable, cette journée, ce lit, le temps accablant de chaleur. Elle-même, qui n’arrivait à comprendre ce qui se passait dans son corps. Excédée, Oscar repoussa couvertures et draps pensant que ce serait suffisant pour calmer son agitation. Malgré la fenêtre ouverte elle étouffait.

Toute cette rage, en elle…Même à ses propres yeux cela restait incompréhensible. Pourquoi réagir avec tant de véhémence ! Pourquoi ce sentiment d’échec à contenir ses émotions, son manque de maîtrise la révoltait, augmentait encore sa colère. Ce rêve…ce rêve la hantait et toutes les sensations qu’il avait entraîné surtout, le souvenir honteux d’avoir contemplé son ami, d’avoir pris plaisir à le faire.
Les yeux ouverts elle se laissait gagner par des images indécentes, sans pouvoir lutter, qui la rendaient même un peu ivre.
Et c’était bon, elle ne pouvait le nier.
Elle revoyait le bois éclaboussé de pâles rayons, cette silhouette virile mouillée de sueur…puis la mousse glissant le long des muscles nerveux, la vigueur si intime de ce sexe…Une rougeur désormais familière envahit le visage d’Oscar mais à cette seconde il n’y avait personne pour surprendre le froid Colonel. Se laisser aller, juste un peu, juste…
- « André… »

Même lorsqu’elle murmurait ce prénom il paraissait autre, ne désignait plus l’adolescent un peu mélancolique qu’elle avait côtoyé, ni l’homme sérieux et sombre qu’il était devenu. Désormais ce mot désignait un acte qu’elle s’acharnait à définir comme révoltant. Un monstre, André était un monstre. Elle devait s’en convaincre…il le fallait…
La jeune militaire contracta ses mâchoires et ferma un court instant ses paupières, tandis que sa respiration prenait un rythme plus rapide au fil de son imagination débridée. Son esprit la ramenait toujours à cette première fois, lorsqu’elle l’avait découvert dans le foin avant qu’il ne se retourne et expose presque voluptueusement les attributs de sa condition masculine, ce membre qu’elle lui enviait mais qui l’avait choquée…alors que maintenant…
Oscar rouvrit les yeux, brutale.
La douleur honteuse était là de nouveau, en elle. Merveilleuse, si savoureuse…La réalité sembla se liquéfier pour la jeune militaire, une autre se substituait, nocturne, parallèle. Secrète. Inavouée. Irréelle comme dans son rêve de la veille où les rôles s’inversaient, où c’était elle qui se retrouvait prise dans les mailles de ce regard émeraude, offerte et nue à cette main s’avançant vers elle.

Elle serra son poing, ses deux poings sans cesser de fixer un point invisible sur le dais du baldaquin.
Une traînée de lave ravageait l’intérieur de ses cuisses, son cerveau ne parvenait plus à raisonner de manière habituelle, détaché de toute émotion…
Son souffle n’était que saccades, heurté par la violence d’un appétit inconnu lové dans ses entrailles, débridant de plus en plus ses envies , déroulant des méandres de feu dans son être tout entier. Elle n’osait même plus bouger, tenait son corps désespérément immobile en tentant vainement de faire appel à sa volonté…
Mais c’était trop tard. Comme une fièvre impossible à éradiquer la nudité de son ami éclatait sur le voile sombre de son imagination, brûlait ses dernières réserves. Elle fixait toujours ce point indécelable au-dessus d’elle quand sa main gauche se desserra, rampant doucement vers son ventre.
Incapable d’arrêter cette progression qu’une petite partie de sa conscience qualifiait d’indigne, Oscar releva son vêtement, toucha les courbes fermes et douces de son ventre qui aussitôt frémirent à ce chaud contact. Elle laissa échapper un soupir involontaire.

- « Non…je…ne dois pas…Je dois résister, combattre… »


Les mots semblaient vides de sens.
Ses doigts butèrent contre le lien de son pantalon de toile légère, continuèrent et descendirent sur le tissu en se crispant un peu, toujours plus bas à chaque mouvement.

- « Non… »

Sur un gémissement, presque un sanglot, Oscar sentit la traîtrise de cette main se placer entre ses jambes et se refermer tendrement, se presser, étreindre ce cœur fiévreux. Un autre gémissement lui succéda, beaucoup d’autres sous les douces pressions, plus exigeantes à chaque seconde.
L’esprit d’Oscar luttait, vaguement, elle n’arrivait plus à dominer son corps.
Ses reins se creusaient, amorçaient le rythme étrange qu’elle avait découvert quelques jours plus tôt, se tordaient et la jeune militaire s’obstinait à vouloir croire que c’était de dégoût, mais ses gémissements affirmaient le contraire, elle n’y prenait même plus garde. Juste emportée par la vague d’incendie qu’attisait inlassablement sa main. L’autre se crispait toujours mais bientôt elle ne put rester immobile. Elle rejoignit sa compagne pour sentir sa peau nue à travers la minceur du tissu de lin, tissu qui se collait à une moiteur enivrante.
C’était trop tard. Tous ses sens étaient en éveil, presque douloureux après toutes ces années de sommeil acharné à nier leur existence. Et ces mains percevaient comme une urgence à les contenter, à assouvir elle ne savait quoi. Sur un geste brusque, sa main droite bouscula la ceinture de son vêtement, se glissa dessous avec une joie sauvage. La jeune militaire rejeta son visage vers l’arrière dès qu’elle perçut une sensation nouvelle, la douceur de soie de sa toison où ses doigts s’emmêlèrent.

Grisée par ce toucher elle accentua la pression et la sensation se fit plus précise, plus consciente, affamé son index se glissa soudain à l’intérieur de son intimité pour la caresser avidement. Aussitôt ses genoux s’écartèrent pour laisser place à une avalanche d’émotions indescriptibles et puissantes, détruisant tout. Elle se mit à haleter doucement quand la pulpe de son doigts toucha le bourgeon caché, le tortura sans relâche jusqu’à provoquer de légers cris de plus en plus forts à mesure qu’une sourde et chaude pulsion montait du tréfonds de son corps. Plus aucune volonté ne parvenait à ralentir sa main, ni sa voix d’exprimer un trouble jamais éprouvé. Ses reins se soulevaient, ondulaient sous l’effet d’une danse inconnue, accompagnaient chaque geste de sa main scandaleuse. Un bref éclair de conscience la traversa : « honte …»
Ce qu’elle était en train de commettre était une infamie, contraire à tous ces principes… mais alors, pourquoi était-ce si bon…
Ses cuisses s’ouvrirent plus largement : elle en voulait plus, corps dévoré par cette folie délicieuse, ce tourbillon électrique qui tendait chaque muscle et fibre de son être. Son pantalon la gênait et ses mains l’agrippèrent, comme prise par une faim incontrôlable ; elle le dégagea frénétiquement de ses hanches, le fit glisser sentant même une onde nouvelle de volupté à se dénuder elle-même complètement.
Aussitôt son index revint explorer chaque recoin intime généreusement offert, caressa la moindre parcelle de chair tendre, tortura merveilleusement les replis cachés ; un autre doigt ne fut pas long à venir rejoindre cet impudique tortionnaire et l’exploration s’intensifia, ne lui laissant aucun répit. Ils écartèrent les lèvres intimes, caressèrent doucement le centre même de sa virginité éclose.
Ses plaintes se firent plus ardentes encore quand le bout de son index découvrit et pénétra un lieu inconnu et brûlant, en ressortit voluptueusement en un va-et-vient venu de manière étonnamment naturelle. Perdant la tête à ce contact elle perçut son corps se soulever un peu, se tordre sous l’exquise torture qu’elle s’imposait. Incapable de stopper Oscar entama un ballet sensuel grisée par cette moiteur jamais soumise à de tels supplices, s’enfonça plus profondément pour de nouvelles ivresses. Soudain ce ne fut plus sa main qu’elle perçut contre elle, en elle : elle n’était plus sur ce lit mais dans ce rêve à regarder impuissante la main du jeune homme s’avancer vers son corps. Et cette fois il ne s’arrêtait pas, les doigts virils venaient entrouvrir le pli caché sous la blondeur de ses boucles pubiennes et le sillonnaient sans relâche, voraces …

Un lourd gémissement déchira la chambre.
Dans un sursaut sauvage Oscar sentit une boule d’énergie exploser et l’engloutir brutalement, vibrer quelques secondes pour la laisser l’instant suivant pantelante, essoufflée et rejetée sans force contre le drap.

Jamais elle n’avait vécue pareille chose.
La jeune militaire resta les yeux clos, le corps vibrant de ce bonheur invraisemblable dont elle ressentait toujours les effets par de subtiles palpitations intimes. Qu’avait-elle fait…Son corps, épuisé et apaisé, laissait place au fil des minutes au mécanisme bien huilé de son cerveau: sa voix, le son de sa voix, ces ondes sauvages tordant son corps, cette frénésie charnelle anéantissant toute réserve…Les yeux d’azur, jusque là froids et impassibles à présent perdus, fiévreux, se rouvrirent sous le coup d’une stupéfaction sans limite : ce qu’elle venait de faire, ce qu’elle avait osé, était l’exacte réplique de l’acte d’André dans la grange.

Par mimétisme, par une intolérable faiblesse elle avait laissé les images du jeune homme se superposer à sa réalité, anéantir toute pudeur pour lui faire suivre ce chemin vers l’abîme, et elle y avait consenti avec tant de plaisir !
Car une sorte d’euphorie l’envahissait, un bien-être relâchant la moindre tension de ses muscles tendus à l’extrême par sa perpétuelle colère des derniers jours. La brûlure intolérable s’était calmée au creux de son corps, avait disparue pour la remplacer par une autre, imperceptible, tranquille, contentée. Même sa position impudique ne la gênait plus : les genoux toujours levés et son vêtement échoué sur ses chevilles, la tunique relevée sur son ventre, sa main calmée reposait encore sur la toison humide de son sexe. Et elle était bien, se sentait comme…libérée.

« Honte… »

Non.
Elle n’avait pas honte, ce sentiment s’était effacé de son cœur.
Un autre était toujours bien présent.
Si tu savais comme je t’en veux André, comme je te hais…Tu n’avais pas le droit de me parler comme tu l’as fait, de te moquer, de me provoquer…Tout ça est de ta faute, uniquement de ta faute.
Son corps s’alanguit et elle le laissa aller, s’étendit contre le drap sans songer à se couvrir. Tu n’as rien compris. Et tu n’avais pas non plus le droit d’être nu dans cette grange, pour cela aussi je t’en veux. Je t’en veux pour ce que tu es André, et peu importe que tu n’y sois pour rien. Si, tu es responsable. Tout est de ta faute. De ne…pas être resté à ta place, celle qui est la tienne depuis toujours, dans l’ombre…Je te déteste…te…déteste…
Doucement ses paupières se firent lourdes, sa conscience s’embruma en se délectant du poids de sa rancoeur parmi les limbes de ce sommeil conquérant, un sourire sur ses lèvres…



L’ombre…Elle envahissait chaque recoin du parc à cette heure, engloutissait les formes de son manteau nocturne. Pas tout à fait cependant : une forme plus profonde que la nuit elle-même bougea imperceptiblement et fit crisser le gravier de l’allée, celle donnant sur la façade de l’élégant hôtel particulier des Jarjayes. La forme s’immobilisa et sembla regarder vers les hauteurs, vers une fenêtre ouverte à l’étage.
L’éclat mat d’un sourire éclaira brièvement un visage que l’on devinait masculin. Un visage attentif, comme posté là depuis longtemps déjà. Puis une voix s’éleva, murmurant pour elle-même, grave et tendre bien qu’un peu sarcastique.
- « C’est bien…ainsi donc tu commences à comprendre. Je te l’avais dit pourtant que les désirs faisaient partie de nos vies, qu’il est inutile de les fuir ou de les nier comme tu le faisais avec tant d’orgueil. Oscar, mon amour…Même si je suis sûr que ton esprit se refuse encore à l’admettre, ton corps vient de te montrer cette évidence, et il n’en est qu’au début de son apprentissage. Oh mon Dieu, ce cri…
Ton cri ma belle Oscar, celui que je viens de surprendre à l’instant raisonne encore dans mes chairs comme les prémices d’une victoire, la nôtre si tu le voulais.
Je sais pourtant que je dois être patient, ne pas te brusquer…
Mais je me meurs sans toi, à en hurler. Pour toi j’ai donné sans hésiter cet œil, inutile, et depuis les lambeaux de mon cœur blessé s’enroulent autour du tien pour tenter de le réchauffer un peu, pour qu’il ne devienne pas complètement de glace comme tu t’acharnes pourtant à le croire. Et ce soir…oui ce soir ton cri me redonne espoir de tout te donner à nouveau, de tout sacrifier jusqu’à mon âme et mon corps, pour toi…
Mes yeux se ferment à la lumière mais qu’importe, si pour cela les tiens se réhabituent à la chaleur du soleil, à l’incandescence de la passion qui vibre en toi, à ton insu.
Ce n’est que le début.
Je serai patient, oui. J’ai encore à t’apprendre, à te montrer, à t’enseigner…
Je te ferai mal peut-être mais ce sera pour ton bien. Car tu vas te battre, je le sais, contre ce trouble qui t’envahit. Que tu le veuilles ou non j’ouvrirai ton cœur et ton regard à ma lumière, bien qu’elle soit tissée d’ombres.
Elles te réchaufferont. Et ce cri qui vient de te déchirer c’est mon corps qui te le donnera. Bientôt.
Dors mon cher amour…Je veille sur tes rêves, j’en écarterai les ombres puisque qu’elles me sont désormais familières; puisque peu à peu j’en deviens une, moi aussi. Dors… »



Le vent tiède dut porter ce message murmuré avec plus de force qu’il ne parut, Oscar se réveilla étonnamment tard le lendemain. Jamais elle n’avait autant dormi. En s’étirant elle prit brusquement conscience de l’indécence de sa tenue et elle se jeta horrifiée sur le drap pour s’en couvrir d’un geste brutal.
Elle se condamna sans appel.

Sa honte avait disparue mais la culpabilité était là malgré tout, la poussant à serrer le drap très étroitement comme une armure, un talisman face à d’invisibles attaques. Elle se recroquevilla. Quelle que soit sa volonté à le nier, quelque chose venait de changer. Et ce qui l’inquiétait était que contrairement à sa rancœur, évidente, vis-à-vis d’André, le sentiment né de son geste était extraordinairement confus. Elle détestait le jeune homme il n’y avait pas à y revenir, la chose était acquise. L’acte surprit dans la grange était ignoble, puisque son cœur ne la laissait pas en paix en y repensant.
Par contre…
Oscar se remit sur le dos, fixa les rais de lumière jouant parmi les interstices des volets. Rien qu’au souvenir de cette explosion intime son corps se froissa légèrement de plaisir. La jeune militaire eut beau durcir son regard, tendre sa volonté comme elle l’avait fait si souvent, l’empreinte indélébile de la volupté s’était inscrite dans sa chair.
Tel un chemin emprunté à contrecœur la route se déroulait à présent devant elle, elle ne pouvait plus revenir en arrière.
Son corps avait vibré, et ce traître avait de la mémoire. Ignorant des plaisirs charnels sans jamais éprouver le besoin de les approcher, sans même en soupçonner l’existence, il s’était à présent éveillé à des sursauts étranges, très puissants.
Trop sans doute.
Sa respiration s’accéléra légèrement en repensant aux sentiments nés au plus fort de son plaisir. C’était comme un poids titanesque brusquement envolé, un carcan ancestral disparaissant de ses épaules. Un instant, elle s’était sentit…libre. Réellement libre.
Ni homme, ni femme, non plus le fils du Général de Jarjayes, ni le militaire de Sa Majesté. Non.
Juste elle-même.
Oscar poussa un juron, raidie face à cette monstruosité. Libre ? Etait-ce agir en être libre que de succomber aux dérèglements de ses pulsions ?
De s’être transformée pour quelques minutes en cette inconnue aux gestes débridées ? Oh, ce feu…ce tourment interne, cette lave martyrisant ses entrailles…pourquoi cela avait-il été si bon de l’apaiser, de contenter cette faim dévorante ? Pourquoi la tentation de recommencer était-elle si difficile à combattre ?

Encore une fois, juste une…
Qui le saurait ?

Elle-même, évidemment. Sa conscience. Mais pourquoi ne l’avait-elle pas soutenue lors de cette lutte, pourquoi mourrait-elle à cette seconde de basculer de nouveau dans cette douce folie ? Rien qu’une fois, puis après plus jamais. Sentir encore le poids de ses soucis se liquéfier sous cette vague délicieuse, se sentir libre, libre…
Sans force contre cet appel mystérieux, les doigts du jeune Colonel se glissèrent sous le drap, trouvèrent sans mal sa féminité offerte ; puis y pénétrèrent, doucement. Les lèvres rosées s’entrouvrirent, si généreuses en sensations grisantes, si promptes à réagir aux tendres caresses.
Une sourde plainte franchit la bouche d’Oscar tandis qu’un sourire extatique illuminait son visage. Des images voltigeaient devant ses yeux ouverts, ranimant la flamme qu’elle avait cru éteinte en réalité juste assoupie.
- « André… »


La beauté masculine de son ami ressurgit à son esprit, crue, différente. Le rêve indécent où elle s’était vue nue s’évanouit, remplacé par un autre : elle s’avançait en pleine lumière vers le jeune homme toujours occupé à sa toilette, mais cette fois subtilisait le savon et s’occupait elle-même de cette tâche contre cette peau humide…
Elle renversa sa tête, gémissant tout haut à un invisible interlocuteur.
- « André, si tu savais comme je te déteste. Tout cela est de ta faute…Jamais plus je ne te regarderai, jamais plus je ne t’adresserai la parole. Tu n’auras plus ni sourire, ni élan d’amitié de moi…Jamais. Ooooooh, mais pourquoi est-ce si bon de te détester, pourquoi ?

Le reste se perdit en murmures haletants…





 
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