6P Designs.Adapted by Rozam

   
 
  Opus IV
 

Opus IV
 





Jamais je n’aurais supposé de telles félicités. La bravoure avec laquelle ce compagnon répondait à mes soifs de violence me portait haut, exaltait ma reconnaissance par tous les pores de ma peau. Saucisson de mon cœur, si nous en réchappons toi et moi je te jure fidélité, sur ma vie…
Seuls les cris dérangeaient ma béatitude, les féminins surtout, proches de cette hystérie caractérisée qu’ils prennent tout particulièrement en période de soldes, décuplaient ma rage.
Je fuis l’hystérie. Il s’y trouve une médiocrité extrême oserais-je le dire, une fadeur d’expression monotone, insupportable, fut-ce pour hurler d’arrêter une tuerie quelconque.
 
Je fuis les soldes également, et cette fille sous moi criait de manière parfaitement vulgaire, j’imaginais à quoi elle pouvait ressembler en guignant une jupe rose et faisant tout pour l’obtenir. Cela m’écœura. Je redoublais mes assauts.
 
Ce n’était plus cette autre, la petite brune qui la première avait subie mes foudres, elle gisait morte, la robe relevée et le globe oculaire percé par mon arme vengeresse ;  le saucisson avait fait merveille décidément.
Je m’acharnais sur une rousse à présent que je ne connaissais même pas. Une parasite, perverse amatrice de cornichons frelatés, gueuse, pourquoi mériterais-tu de vivre…
 
 
 
Ô plénitude ! Mes reins pilonnaient tant qu’ils en avaient la force, lorsque j’avisais Brice, un de mes meilleurs amis, ou plutôt que je supposais tel.
Tous, car tous ils m’avaient trahi…
 
Brièvement je me souvins : lui et moi au restaurant, les rires et les chants, la tape fourbe sur mon épaule…et sa commande, bon dieu sa commande ! Une assiette de charcuterie et…oh mon dieu…une ventrée de cornichons, comment avais-je pu…Comment ce détail ne m’était revenu plus tôt, sa lubricité à les prendre en main ces fragiles condiments, les croquant, sans hâte, pour que dure le plaisir sadique de la dégustation ; et ce léger grognement en toute fin, oui, ce soupir d’extase malsain, comment avais-je pu ! Impossible qu’il puisse se contenir ce soir, il avait eu des envies soudaines comme tous ceux de son espèce, c’était cela, les olives ne pouvaient qu’être de fades substituts à ses appétits déviants. Et son chiffre fétiche était le 7.
 
Traître…infâme salaud, toi le presque frère…
 
Une nouvelle fois j’armais mon bras, fracassais d’un coup de salaison la nuque qui s’agitait en tout sens : un craquement sinistre. Cette petite peste venait d’arrêter l’hystérie, elle venait d’arrêter tout. Elle ne nuirait plus à personne. Celles aimant les jupes roses m’en seraient reconnaissantes.
Bon débarras.
 
Comment personne ne fut capable de me maîtriser ? Je ne saurais le dire, même longtemps après. Beaucoup avaient fui sans doute. La brune avait saigné, très vite, maculant mon propre corps pour m’offrir cette aura d’épouvante pétrifiant chacun.
Brice la bouche ouverte, immobile, fut tout ce dont je me souvins lorsque je me ruais sur lui. 
 
Il avait déjà compris. Peut-être même en fut-il soulagé, sûrement ; il s’offrait en sacrifice.
Le crime abominable ne torturerait plus sa conscience, que ce fut moi l’exécuteur lui convenait. Oui, ses yeux étonnés ne cillèrent même pas.
 
Le saucisson l’étouffa sur le coup, il souffrit peu. Je me félicitais d’ailleurs du bon diamètre de l’engin, plus petit j’aurais dû m’acharner et –peut-être serais-je difficilement crédible- j’abhorre toute violence gratuite.
 
La mort fut rapide. Précise. Inodore aurais-je voulu dire mais l’arme, hélas, présentait quelques signes de faiblesse : la peau commençait à partir en lambeaux, plusieurs grains de poivre incrustés s’échappaient ça et là et l’hémoglobine de ses nombreuses victimes ne contribuait guère à le rendre présentable.
 
Le pur porc sentait terriblement fort à dire vrai, baignant la pièce d’effluves mortifères.
 
Brice gisait à mes pieds, les autres ne furent que routine. Optant soudain pour la méthode japonaise  je moulinais avec frénésie, succédant  râles et bris d’articulations des infortunés passant à notre portée, le porc et moi.
 
Tant de sang, incroyable…
 
Une brusque contrariété me saisit tandis que j’écoutais le silence, quasi solide, de l’appartement.
Ma sous-couche était ruinée. Il faudrait refaire l’enduit aussi, à moins de jouer sur les dégradés sanglants…C’était un boulot. Dix, non allez vingt pots de peinture blanche non mat, cela devrait faire l’affaire.
 
 
J’étais heureux, apaisé.
Une pensée pour cet autre pot, l’oublié, le baigné de néons urbains dans ma cuisine, clic, clic…
Vengé. Tous ils ont payés.
Tous. Et peu importait qu’un ne fut pas coupable.
Ils s’étaient tu, ils avaient vu l’infect méfait, sans le moindre doute. Et ils n’avaient rien dit.
 
Tous avaient payé.
 
La sonnerie de ma porte me fit presque bondir, je ne sais combien de temps j’étais resté ainsi, bras ballants, un sang impur abreuvant ma moquette.
Les cheveux collés, j’en avais partout.
La police, déjà ?
 
1h16…
Impossible, pas si vite…
 
On insistait.
Je me frayais un passage, les corps se vautraient dans l’immobilité la plus totale. Quelle vulgarité ça aussi…je déteste, je…
 
- Qu’est-ce que c’est ?
 
Ma voix ne trembla même pas, pas plus que l’autre en réponse.
 
- C’est moi ! brailla t-on…
Hein, qui ç…
 
- Votre voisine, je suis passée tout à l’heure, vous vous souvenez ? Je vous apporte encore un pot de cornichons comme vous m’avez demandé, dites, vous êtes un goulu vous ! J’ai jamais vu quelqu’un manger ces trucs si vite ! Vous ouvrez ?
 
Je devins livide, vacillais d’horreur…
 
- C’est pas que je m’ennuie, hein, mais j’aimerais bien aller me coucher. Allez, ouvrez quoi. Je suis serviable mais quand même, on n’a pas idée d’aimer manger ce genre de cochonnerie, le saucisson je dis pas mais les cornichons, hein, vraiment, vous pouviez pas vous retenir…
 
Sous mes efforts les brouillards de ma mémoire surexcitée se déchiraient : la musique qui rend fou, les rires, plus d’Apéricubes et mon ennui soudain, mon ennui irrépressible, la nécessité viscérale de fuir le chaos pour la tranquillité, acte sacrificiel à mon seul péché mignon… ; puis ma main, MA main entrebâillant la porte du frigidaire…et… non, impossible…
La bile, de même qu’un remugle vinaigré envahit ma bouche.
 
Le profanateur, c’était moi.
 
Je venais de tuer des innocents, violer des âmes pures, ruiner les murs de mon salon.
 
Pour rien.
Et sur moi, le sang du démon.
 
- Bon alors, vous ouvrez dites ?! C’est que je me suis donnée du mal pour vous les trouver, vos machins ! Au fait c’était quoi le bruit tout à l’heure, un nouveau jeu ? Ca a l’air marrant. On peut participer ? Hé, vous me devez bien ça non, surtout que ça me débecte vraiment vos trucs au vinaigre, faudrait pas qu…
 
J’avais ouvert. Les mots de cette pétasse moururent entre ses dents quand elle vit les miennes, aiguisées par un sourire mauvais.
 
Tu parles vulgaire, très chère. Je déteste ça. Toi aussi tu dois être hystérique, hein...
Mauvaise…
 
Mon saucisson n’était plus que bouillie, mais il en avait vu d’autres.
On va jouer, oui. D’accord.
 
Bah, ce n’est pas grave : j’achèterai juste un pot de peinture supplémentaire…voilà c’est ça,
demain…oui, demain…
 
Maintenant j’ai faim.
Très.
 
 
 
FIN





 
 
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